Les Marocains devaient élire, hier, une nouvelle assemblée législative. Pour la première fois, conformément à la nouvelle Constitution, le roi devra choisir le Premier ministre dans les rangs du parti arrivé en tête. Les tractations ont été bon train durant la campagne électorale, mais les islamistes restaient donnés vainqueurs malgré l'absence d'entrain au sein d'un électorat désabusé par les promesses et du roi et de la classe politique qui ne s'est pas renouvelée ni au plan de ses projets ni dans sa composition toujours marquée par les anciennes générations. D'ailleurs, l'enjeu principal pour tous ces acteurs était la participation, la tendance abstentionniste étant fortement marquée la veille du scrutin. Le “front du refus”, qui a appelé à boycotter le vote, des jeunes du Mouvement du 20 Février à l'extrême gauche et la gauche non gouvernementale en passant par les islamistes de l'Association (tolérée) Al Adl Wal Ihsane, dit avoir ratissé large pour éviter le raz-de-marée du référendum de juillet dernier. Les législatives, cruciales pour déterminer le futur Chef de gouvernement, que la nouvelle Constitution a doté de prérogatives élargies et qui devra être choisi par le roi au sein du parti arrivé en tête, se sont ainsi jouées entre les seules formations actuellement représentées au Parlement. Avec, toutefois, un changement important par rapport à la situation qui prévalait au début de cette année : des tractations pour barrer la route aux islamistes qui avaient déjà obtenu de très bons scores en 2007, et un “découpage électoral pensé de manière à empêcher un raz-de-marée islamiste”. Pour les tractations, c'est à voir car elles ont été vers la fin de la campagne électorale. La coalition pour la démocratie aussitôt rebaptisée “G8” par la presse marocaine n'a regroupé en fin de compte que des partis dits de l'administration et des sensibilités insignifiantes comme les écologistes. Pour autant, le courant moderniste au Maroc, comme ailleurs dans le Maghreb, reste dispersé et n'arrive pas à se structurer, pas même contre les islamistes du Parti justice et développement (PJD). La Koutla, cette vieille alliance entre les nationalistes de l'Istiqlal emmenés par l'actuel Premier ministre, les socialistes de l'Union socialiste des forces populaires (USFP) et les anciens communistes du Parti du progrès et du socialisme (PPS), a été elle aussi paralysée certainement par ses vieux réflexes. En son sein, plusieurs seraient tentés par une coalition avec le PJD, comme en Tunisie derrière Ennahda. Au Maroc, les alliances se font après les élections, a expliqué un politologue du cru. Quant au découpage électoral opportunément mis en place pour empêcher le raz-de-marée islamiste, confiant dans un contexte arabe favorable à l'émergence d'une alternative islamiste, le PJD s'est dit la veille des élections loin de s'avouer vaincu. Une chose est sûre, contrairement aux législatives de 2007, les islamistes n'ont pas cette fois-ci l'intention de laisser tomber des sièges. Ils rafleront tous ce que les urnes leur donneront, a averti son secrétaire général, Abdelilah Benkirane, qui se voit d'ores et déjà dans l'habit du Premier ministre. “Si les autres partis refusent de gouverner avec nous, alors cela voudra dire que l'on s'est joué de nous, que l'ensemble de ce processus était biaisé”, a-t-il affirmé la veille du vote. Rendez-vous à la proclamation de résultats de la consultation électorale… Il s'agira pour de nombreux observateurs de mesurer l'ampleur du raz-de-marée islamiste. D. Bouatta