Les hommes passent, les écrits restent. Témoignages s'il en est des turpitudes et des trahisons mues le plus souvent par la fascination qu'exercent sur le commun des mortels les succès immédiats les écrits restituent, à l'évidence, des vérités amères mais combien déterminantes quant à la compréhension de l'espèce humaine, des négations… Je ne connais pas les raisons qui me poussent pour les besoins de la présente chronique à parler du 3e Festival culturel international de la musique symphonique d'Alger alors que je n'ai été destinataire d'aucune invitation à y prendre part. Pourtant, mélomane avéré je n'y surprendrai personne surtout que la musique savante de nos Andalousies perdues a été à la base de la renaissance du patrimoine lyrique européen dit universel. On ne peut pas plaire à tout le monde ! Encore moins aux commanditaires, les mêmes d'ailleurs, des festivals du film arabe d'Oran et international du cinéma engagé d'Alger. à un moment où, pourtant, l'engagement des clercs semble s'effilocher chaque jour davantage… Ce qui n'est pas sans rappeler au vice-président de la Fédération internationale des ciné-clubs que je fus l'âge d'or de la cinémathèque algérienne et le film De la veine à revendre, plus précisément. Une œuvre magistrale qui permettait à son réalisateur polonais, Andrzej Munk, de livrer une attaque en règle contre toutes les idéologies, avec humour et ironie, et avec le sens de ce que les destinées humaines doivent aux hasards, à la fortune, aux rencontres, aux mensonges et… aux négations. Mon confrère Jean-Loup Passek ne disait-il pas au sujet de ce talentueux cinéaste que toute sa démarche était sous-tendue par une volonté de démystification de l'individu ? De la société, en d'autres termes, de la doctrine, de l'engagement, et même de la pensée, bref de tout ce qui risque de donner l'avantage à ce qui socialement paraît le plus noble ou le plus utile aux dépens de ce qui, au plan humain, demeure le plus vrai. C'est pour mieux parler de Frédéric Chopin que ce fondu-enchaîné est utilisé, l'hommage à la musique polonaise prévu dans le cadre de ce 3e Festival international de la musique symphonique constitue pour le critique de cinéma que je suis par ailleurs une merveilleuse opportunité pour parler de 7e art. à plus forte raison lorsque le programme prévoit Carmen de Georges Bizet et West Side Story de Léonard Bernstein et Arthur Laurents. Comme la négation qui m'est sempiternellement opposée ne peut avoir raison de mes réminiscences cinéphiliques, je me souviens de l'entretien que m'avait accordé Francesco Rosi à la suite de la sortie, en 1984, de son adaptation à l'écran du tragique destin de la belle cigarière, Carmen séduisant le brigadier Don José et se laissant charmer par le torero Escamillo, dans cette arène de l'amour à mort. Confortablement assis à la première rangée de la salle (est-il possible de mettre l'imagination en cage ?), je me rappelle fort bien la réponse du cinéaste italien à la question de savoir pourquoi Carmen alors qu'il nous a habitués à des films cultes comme Le Défi, Main Basse sur la ville, Salvatore Giuliano, l'Affaire Mattei, Lucky Luciano, Cadavres exquis ou Le moment de la vérité qu'il réalisa à Séville en Espagne : “Je voulais être loin de Palerme !” Comme ce fut le cas pour Frédéric Chopin qui choisit Paris, les Jets (américains d'origine polonaise) et les Sharks (immigrés d'origine portoricaine) New York que Robert Wise et Jérôme Robbins ont immortalisés dans West Side Story, un film largement inspiré de Roméo et Juliette de William Shakespeare. (A suivre…) A. M. [email protected]