À la suite de la projection de son film, Normal, en course pour El-Wihr d'or, Merzak Allouache a suscité une grande polémique – non pas à cause de son film aux propos et à l'esthétique largement contestables mais qui auraient pu être débattus dans la sérénité –, en s'attaquant délibérément et ouvertement aux journalistes, accusés de malhonnêteté intellectuelle et “d'écrire sous la dictée”. Merzak Allouache, dont le discours cinématographique est inaudible et ronronnant depuis quelques années déjà, est venu à Oran pour régler ses comptes avec la presse algérienne, après avoir fait le tour de la question, en racontant de manière déconstruite “son Algérie”, dans le film, Normal. Un long métrage qui prétend défendre la jeunesse et la liberté d'expression. Un droit dont les journalistes algériens, qui ont pris part au débat qui a suivi la projection à la salle Essaâda d'Oran, de cet objet cinématographique dénué d'un fil conducteur ou d'une réflexion mature – le moins que l'on puisse attendre d'un réalisateur qui a signé un chef-d'œuvre comme Omar Gatlato (1976) –, ont été privés. Le spectacle que Merzak Allouache a donné était encore plus déroutant, et son discours plus cohérent en tout cas que son scénario ou plutôt “canevas” (le terme a été utilisé par la comédienne Adila Bendimerad lors du débat), dont l'aigreur parfume la narration. Merzak Allouache a d'abord accusé les journalistes de “travailler sous les ordres” et de marginaliser certains réalisateurs, lui en l'occurrence. Après cette entrée en matière assez “soft”, il fonce droit dans le mur, en attaquant un journaliste de Canal Algérie, qui avait mis le doigt sur un mensonge dans une des scènes du film. Le niveau dégringole de la plus surprenante des manières lorsque le réalisateur élude la question en sortant l'argument “haine”, avant de se lancer dans un monologue plein d'amertume sur la Télévision algérienne. Une entreprise qui lui avait ouvert ses portes en 2006, et ce, en finançant son feuilleton navet, Babor Dzaïr. Le résultat était en effet pire que le naufrage du Titanic. Le pathétique ne s'est pas arrêté là. Merzak Allouache a refusé de répondre aux questions de notre confrère d'El Watan, et lui a lancé à son adresse : “Je n'aime pas vos écrits. Je sais pour qui vous travaillez.” Les comédiens de Normal, présents au débat (Nabil Asli, Nadjib Oulebsir, Adila Bendimerad), se sont découvert des vertus d'opposants, rapportant des discussions de café dans un débat qui n'a été rehaussé que par l'intervention d'Ahmed Benaïssa. Un véritable artiste. Alors qu'Adila Bendimerad a craché son ingratitude sur la presse, l'accusant de ne pas accompagner les artistes, Nabil Asli est monté au front, accusant la presse de complicité avec le pouvoir, puisque, selon lui, elle n'a pas suffisamment bien rendu compte des émeutes de janvier 2011, les réduisant à des émeutes de la faim. Le discours formaté des comédiens était uniforme. Excédés, beaucoup de journalistes ont quitté la salle avant la fin du débat, laissant le réalisateur seul avec son ressentiment et des spectateurs abasourdis. Merzak Allouache a donc réglé ses comptes de la plus odieuse des manières, de telle sorte qu'il a réussi à nous faire oublier le film. Le débat même tard dans la soirée et le lendemain matin était axé sur le comportement scandaleux d'un artiste en mal de reconnaissance, qui semble chercher à revenir vers son pays. Le printemps Merzak Allouache n'a pas eu lieu. Encore un rendez-vous raté ! S. K.