Tunisie, Libye, Syrie, Yémen…le Qatar aura été partout en 2011. L'émirat veut effacer l'image de gaspilleur de pétrodollars véhiculée tout au long du demi-siècle passé. C'est une puissance financière qui cherche à le devenir sur le plan politique. La Ligue arabe sait qu'il lui faudra désormais compter avec ce bout de sable. L'émirat, par exemple, prend très clairement parti contre le régime de Bachar el-Assad, en devenant le premier pays du Golfe à fermer son ambassade à Damas. Un positionnement politique étonnant à l'égard du Printemps arabe, quand on sait que la démocratie et l'ouverture n'ont jamais été les leitmotivs de ce petit royaume héréditaire. L'émirat donne de la voix sur la scène internationale. Il joue un rôle déterminant dans l'évolution du Printemps arabe, grâce à l'influence grandissante de sa chaîne Al-Jazeera et à de discrètes manœuvres diplomatiques et financières. La consécration médiatique d'Al-Jazeera pendant le Printemps arabe a donné au Qatar un poids diplomatique tout à fait inédit. La couverture ou non des révoltes de tel ou tel pays arabe pouvait être déterminante pour l'issue du conflit. À l'inverse, Al-Jazeera a complètement passé sous silence l'écrasement de la révolte au Bahreïn, tout comme elle ne parle jamais de ce qui se passe chez elle ! On peut même dire que ce petit pays du CCG porte une assez grande part de responsabilité dans la vague islamiste post-dictature qui a déferlé dans les pays arabes qui ont tenu cet automne des élections législatives démocratiques. Au point où il est à se demander si l'émir ne cherche pas à coiffer au poteau ses homologues de l'Arabie Saoudite empêtrés dans le wahhabisme. Les deux pays sont différents, autant Ryad reste marqué par la promotion d'un islam politique radical, autant Qatar donne de lui l'image de “soft power”, concept selon lequel le pouvoir d'un pays est lié non plus à sa puissance militaire ou à ses particularismes mais à son poids financier économique et surtout son prestige dans le monde. Banques, clubs de foot, événements sportifs, entreprises européennes…depuis quelques mois, le Qatar investit à tout-va, et ça se voit. D. B.