Une série d'attentats à la bombe visant des chiites a ébranlé l'Irak jeudi dernier. Les affrontements interconfessionnels ont donc repris de plus belle depuis le départ des soldats américains à la fin du mois de novembre 2011. Lorsque l'armée américaine s'est retirée d'Irak, le pays était déjà en proie à une grave crise politique opposant le bloc chiite du Premier ministre Nouri Al-Maliki au groupe laïque soutenu par les sunnites. Les 82 députés de ce dernier groupe ont suspendu leurs activités au Parlement, et ses neuf ministres ont gelé leur participation au gouvernement. La crise a été déclenchée par un mandat d'arrêt lancé contre le vice-président sunnite Tarek Al-Hachemi, accusé d'avoir soutenu des attentats qu'auraient commis ses propres gardes du corps. Ce dernier, pour échapper à une justice accusée d'être manipulée par le Premier ministre, s'est réfugié dans la province autonome du Kurdistan, qui refuse de le livrer à Bagdad. Le Premier ministre Al-Maliki voulait aussi limoger le vice-premier ministre sunnite Salah Moutlak, qui l'avait qualifié de “dictateur pire que Saddam Hussein”, comme il voulait remplacer les ministres sunnites qui ont gelé leurs activités au gouvernement. Sur ce dernier point, il a finalement fait machine arrière en décidant de les considérer comme étant en congé. Autre point de discorde, le refus de Nouri Al-Maliki d'intégrer les milliers de paramilitaires sunnites, qui ont combattu auprès de l'armée américaine pour éradiquer Al-Qaïda, dans les différents corps de sécurité. Les états-Unis ont tenté de négocier cette intégration avec le Premier ministre chiite, mais ce dernier est resté inflexible. Les membres de cette milice sunnite, livrés à eux-mêmes et exposés au désir de vengeance des membres d'Al-Qaïda qui semblent retrouver une nouvelle vie après le départ des Américains, pourraient non seulement passer à l'action mais aussi négocier une alliance avec leurs ennemis d'hier contre l'ennemi commun au pouvoir. Si les Américains ont cédé sur ce point devant l'intransigeance de Nouri Al-Maliki, ce serait parce que ce dernier aurait offert, en contrepartie, de sécuriser le retrait de leurs troupes. On remarquera, en effet, que le retrait des troupes américaines s'est déroulé sans le moindre incident. Washington ne pouvait pas ignorer qu'en laissant le pouvoir entre les mains des chiites peu enclins à le partager, il livrait l'Irak à l'influence iranienne. Téhéran n'en demandait pas autant et ne se fait pas prier pour s'ingérer dans les affaires internes de son voisin. Surtout que le soutien au régime syrien est une approche partagée par les mollahs et Nouri Al-Maliki, qui a séjourné de longues années en Syrie sous la protection du régime de Damas. Devant la volonté du Premier ministre chiite d'exercer un pouvoir total, voire totalitaire, le spectre de la dislocation du territoire est de plus en plus réel. Conformément aux dispositions de la Constitution, les sunnites pourraient revendiquer l'autonomie de leurs provinces, à l'instar des Kurdes. Mais le pouvoir central s'y oppose d'ores et déjà. L'opération n'aurait pas été simple de toute façon, le tracé des frontières étant incertain et les richesses des sous-sols n'étant pas spécialement réparties selon la localisation géographique des groupes ethniques ou confessionnels. Au total, c'est du pain béni pour Al-Qaïda qui ne manquera pas de réinvestir le terrain après avoir quasiment été éradiquée en Irak. Est-ce donc cela le pays stable qu'auront laissé les Américains derrière eux, après plus de huit ans de présence, comme l'affirmait Barack Obama devant les soldats de Fort Bragg ? M. A. B