À partir des données officielles du ministère de l'Intérieur, il est utile de rappeler les taux de participation aux élections législatives du 17 mai 2007 et des élections locales du 29 novembre 2007 et ce afin de tirer les leçons pour les élections de 2012. 1.-2007 :- une assemblée non représentative Les élections législatives de 2007 ont façonné l'actuelle Assemblée nationale populaire (première chambre, APN) pour les députés et pour les élections locales la deuxième chambre, le Sénat qui en réalité a peu de pouvoirs, étant une chambre d'enregistrement. Les trois partis FLN, RND, MSP avec les hommes du président contrôlent tous les portefeuilles ministériels.Pour les élections législatives, les inscrits ont été de 18 760400, le nombre de votants de 6 662 383 donnant un taux de participation de 35,6%, avec un nombre de bulletins nuls de 961 751 (3,8%). Sur ce total, le parti du Front de libération nationale (FLN) a eu 1 315 686 voix par rapport aux votants (23%), le Rassemblement national démocratique (RND) 591 310 (10,3%) et le Mouvement de la société pour la paix (MSP) 552 104 (9,6%). Cependant le ratio le plus significatif est le nombre de suffrages exprimés divisé par le nombre d'inscrits ce qui donne : 7,01% pour le parti du FLN, 3,15% pour le RND et 2,94% pour le MSP soit un total de 13,10%. Comment 13% peuvent-ils engager l'avenir d'une Nation ? Pour les élections locales, il convient de distinguer les Assemblées populaires de wilayas (APW) des résultats des Assemblées populaires communales (APC). Concernant les APW, les inscrits représentaient 18 446 626 (étrange - soit une diminution des électeurs entre l'intercale de trois mois de 313 774, le ministère de l'Intérieur ayant invoqué l'assainissement des fichiers) pour un nombre exprimé de 7 022 984 soit un taux de participation de 43,45%. Le FLN a eu 2 102 537 voix (32,14%) le RND 1 426 918 (21,89%) et le MSP 940 141 (15, 00%) soit un total de 69,03%. Par rapport aux inscrits, le FLN représente 11,40%, le RND 7,73% et le MSP 5,09% soit un total de 24, 52%. Pour les APC, il y a eu 8 132 542 votants soit un taux de participation de 44,09%. Le FLN a obtenu 30,05% par rapport au nombre de votants, le RND, 24,50%, le MSP 842 644 voix (10,69% ayant été distancé par le parti FNA qui a obtenu 836 305 voix soit 11,29%).Les partis de la coalition totalisent ainsi 65,24%, le mode de scrutin les favorisant. Par rapport aux inscrits, le FLN représente 11,36%, le RND 8,68% et le MSP 4,56% soit un total de 24,60% presque semblable à l'APW. La moyenne arithmétique, élections législatives et locales, des partis du FLN/RND et MSP donne ainsi 18,85% soit à peine le un cinquième par rapport aux inscrits. Ainsi, outre le problème stratégique d'assainissement du fichier électoral pour plus de transparence pour éviter la fraude, combien d'électeurs réellement inscrits pour les élections de 2012 en comparaison à 2007, trois leçons à tirer de cette démobilisation populaire de 2007 ? La première leçon est qu'il est unanimement admis par les analystes sérieux, privilégiant uniquement les intérêts supérieurs de l'Algérie, qu'un changement de lois n'apporterait rien de nouveau si l'on maintient le cap de l'actuelle gouvernance politique et économique, les pratiques quotidiennes contredisant ces lois qui sont les meilleures du monde. La deuxième leçon est la prise en compte tant des mutations mondiales qu'internes à la société algérienne avec le poids de la jeunesse qui, parabolée, a une autre notion des valeurs de la société. Cela se constate à travers la baisse progressive du poids des tribus, des confréries religieuses et de certaines organisations syndicales (dont l'UGTA), du fait de discours en déphasage par rapport aux nouvelles réalités mondiales et locales. La troisième leçon est l'urgence de revoir le fonctionnement du système partisan et de la société civile. 2.- Un système partisan inefficient, une société civile éclatée En effet, la Constitution de 1989 et la loi du 5 juillet de la même année ayant consacré et codifié le droit des citoyens à créer des partis politiques, un nombre considérable de formations politiques ont vu le jour, souvent sans véritable programme, ni perspectives sérieuses, se manifestant ponctuellement principalement à l'occasion de rendez-vous électoraux du fait des subventions de l'Etat (instrumentalisation de l'administration). En réalité, si on tient compte des tendances au niveau de l'ancien parti unique des années 1980, c'est l'ancien parti du FLN éclaté en trois composantes. Il y a une forte ressemblance, pour donner une fausse façade démocratique, souvent avalisée avec complaisance par l'Occident pour des intérêts matériels, avec la démarche du pouvoir des anciens présidents égyptien et tunisien qui ont volé en éclat après le printemps démocratique par le divorce Etat/citoyens, montant des créations artificielles bureaucratiques. Ces partis sans ancrage, le quota décidé par l'administration, favorisant certains partis au détriment d'autres selon la conjoncture, en raison des crises internes qui les secouent périodiquement, du discrédit qui frappent la majorité d'entre eux, de la défiance nourrie à leur égard, les formations politiques actuelles sont dans l'incapacité aujourd'hui de faire un travail de mobilisation et d'encadrement efficient, de contribuer significativement à la socialisation politique. Quant à la société civile, sa diversité, les courants politico-idéologiques qui la traversent et sa relation complexe à la société ajoutent à cette confusion, qui est en grande partie liée au contexte politique actuel, et rendent impérative une réflexion qui dépasse le simple cadre de cette contribution. Constituée dans la foulée des luttes politiques qui ont dominé les premières années de l'ouverture démocratique, elle reflètera les grandes fractures survenues dans le système politique algérien. Ainsi, la verra-t-on rapidement se scinder en trois sociétés civiles fondamentalement différentes et antagoniques, porteuses chacune d'un projet de société spécifique : une société civile ancrée franchement dans la mouvance islamiste, particulièrement active, formant un maillage dense, une société civile se réclamant de la mouvance démocratique, faiblement structurée, en dépit du nombre relativement important des associations qui la composent, et enfin, une société civile dite “nationaliste”, appendice notamment des partis du FLN, du RND, dont plusieurs responsables sont députés ou sénateurs au sein de ces partis et l'UGTA appendice par excellence du pouvoir. Sollicitée à maintes reprises, et à l'occasion d'échéances parfois cruciales, et souvent instrumentalisée à l'instar des micro-partis créés artificiellement, elle manifestera souvent sa présence d'une manière formelle et ostentatoire, impuissante presque toujours à agir sur le cours des choses et à formuler clairement les préoccupations et les aspirations de la société réelle. 3.- Qu'en sera-t-il en 2012 ? Il y a fort risque d'une très forte démobilisation populaire en 2012 sans changement de gouvernance et en perpétuant des comportements du passé. Comme ces déclarations sans analyse sur la morphologie sociale, qui affirment haut et fort que l'Algérie est une exception en Afrique du Nord, annonçant déjà les tendances lourdes. Laissons au peuple le soin de choisir librement sans interférer. D'où l'importance à mes yeux d'un gouvernement de techniciens neutres durant cette transition, évitant pour les ministres d'être juge et partie. Faute de quoi, ce seront les anciennes élections de quotas. À terme, la déflagration sociale serait inévitable que cacherait transitoirement la distribution passive de la rente des hydrocarbures, sans contreparties productives pour acheter une paix sociale éphémère, car une restructuration n'a de chances de réussir que si l'administration, les partis et les associations de la société civile ne soient pas au service d'ambitions personnelles parfois douteuses. C'est que la situation actuelle en Algérie montre clairement (sauf à ceux qui vont dans l'autosatisfaction, déconnectés des réalités sociales), une très forte démobilisation populaire due à ces signes extérieurs de richesses souvent non justifiées, la détérioration du niveau et genre de vie de la majorité de la population malgré des réserves de change dépassant de 180 milliards de dollars fin décembre 2011 dont plus de 90% placés à l'étranger à des taux d'intérêts nuls pondérés par l'inflation mondiale, posant le pourquoi de continuer à épuiser la ressource éphémère que sont les hydrocarbures si les capacités d'absorbation sont limitées. Cela pose la problématique de transformer cette richesse virtuelle en richesse réelle et donc l'urgence d'approfondir la réforme globale en panne, du fait de rapports de forces contradictoires au sommet du pouvoir qui se neutralisent, renvoyant au partage de la rente. La réussite est avant collective et non celle d'une femme ou homme seul, n'existant pas de femmes et d'hommes providentiels. La moralité des dirigeants est fondamentale comme facteur de mobilisation, pour un sacrifice partagé car les réformes souvent différées seront douloureuses dans les années à venir d'où un langage de vérité loin de la démagogie populiste. Comment dépasser ce syndrome hollandais où tout est irrigué par la rente des hydrocarbures, avec un environnement des affaires qui se détériore, une corruption qui se socialise, des taux de croissance, de chômage d'inflation officiels artificiels, démobilisant la majorité de la population algérienne qui ne croit plus aux institutions actuelles et aux hommes chargés de les diriger ? Pour cela, il s'agit de privilégier une bonne gouvernance en investissant dans des institutions démocratiques tenant compte des anthropologies culturelles, dans le savoir en misant sur la qualité et non la quantité, richesse bien plus importante que toutes les richesses d'hydrocarbures fondement d'entreprises compétitives. Cela suppose de profonds réaménagements politiques, Etat de droit, démocratie et développement dans le moyen et long terme étant dialectiquement liés. A. M. (*) Expert international en management [email protected]