La problématique des critères de distribution des logements, couplée à l'érosion du pouvoir d'achat et du chômage des jeunes, nourrit le terreau de la contestation sociale et risque de mener à toutes les dérives. Au demeurant, les émeutes qui émaillent quotidiennement la quasi-totalité des régions du pays surgissent, le plus souvent lors des opérations de distribution des nouvelles habitations par les autorités locales. À l'évidence, les conditions d'attribution, aux yeux des citoyens, obéissent beaucoup plus au “clientélisme” lié aux intérêts des féodalités locales qu'aux priorités objectives. Et pourtant, s'il y a un secteur, où de grandes réalisations ont été accomplies par l'Etat algérien, c'est bien celui du logement. Certains, irréductibles, ou éternels sceptiques, auront, bien sûr, des choses à dire, et déploieront leur litanie : démagogie, populisme… de telles connotations nous rappellent un extrait du dernier ouvrage de Rédha Malek : Guerre de Libération et révolution démocratique dont l'auteur disait en l'occurrence : “Reconnaissons qu'en dépit des maladresses, des erreurs et des lacunes caricaturales, le populisme a eu le mérite de rendre justice à un peuple sorti terriblement éprouvé d'une longue et implacable domination coloniale.” Il est vrai, paradoxalement, que la majorité des Algériens reconnaissent que le secteur du logement connaît ces dernières années une activité remarquable, perceptible à travers les réalisations déjà effectuées durant le plan quinquennal 2005-2010 et d'autres en cours de livraison. Lors de la réunion d'évaluation du secteur de l'habitat, tenue dans le cadre des auditions présidentielles, le bilan des réalisations à fin 2009 fait état de la livraison de 1 045 000 logements dont 59% urbains et 41% ruraux. À la fin de la même année, le parc national du logement a atteint 7 090 000. Le taux d'occupation quant à lui a enregistré une baisse significative, passant de 5,79 personnes par logement en avril 1998 à 4,49 à fin 2009. Pour ce qui est du plan 2010- 2014, 2 000 000 de logements sont programmés dont 1 200 000 seront livrés durant la période quinquennale. Parmi ces habitations, 800 000 devront êtres de nature sociale locative et le reste (1 200 000) bénéficieront de l'aide de l'Etat (logements sociaux promotionnels et ruraux). Dans ce même contexte, il est prévu la résorption de l'habitat précaire pour son éradication totale. Il reste que cette dynamique, dont les retombées sociales et économiques sont indéniables en termes de croissance, de création d'emplois et de relance de l'investissement, devra tendre vers plus de qualité, de maîtrise des coûts et de transparence dans les critères et les modalités d'affectation des logements. Par ailleurs, les pouvoirs publics seraient bien avisés de combattre plus énergiquement, deux fléaux qui tendent à devenir structurels dans ce secteur. Le premier est relatif à la corruption, notamment au niveau des collectivités locales. Qui ne sait pas que compte tenu du bas prix de cession des logements socioux participatifs, par rapport aux prix du marché de l'immobilier, certains citoyens recourent à la “chipa” pour acquérir un appartement. L'autre problème que tout un chacun sait, au moins par ouï-dire, c'est la reconstitution quasi automatique des habitations précaires par le fait de certains bénéficiaires de logements eux-mêmes, qui n'hésitent pas à les revendre en renchérissant sur les prix. C'est probablement pour lutter contre ces phénomènes pervers que le projet de loi de finances 2012 prévoit la réintroduction de l'incessibilité du logement social pour une durée de 10 ans. (ramenée à 5 ans par les députés). Selon Noureddine Moussa, ministre de l'habitat et de l'urbanisme, lors de sa dernière prestation radiophonique, “la réinstauration de l'incessibilité des logements sociaux pour une durée de 10 ans, vise à mieux contrôler le marché locatif pour éviter les détournements spéculatifs des logements sociaux participatifs”. À l'évidence, la question du logement et l'amélioration du cadre bâti se déclinent aujourd'hui, comme problématiques, à la fois cruciales et complexes, qui sont au cœur des revendications sociales. Dans le sillage de cette dynamique ambitieuse de réalisation de logements à l'horizon 2014, selon le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, “le programme global de réalisation de logements 2010-2014 est de 2 400 000 unités et coÛtera à l'Etat 50 milliards de dollars” – loin de compenser les besoins –, l'on ne peut, au vu des chiffres officiels affichés, que s'interroger sur les raisons du mécontentement des citoyens sur cette politique. Cela est probablement dû à un faisceau de facteurs croisés, dont principalement le scepticisme de nombreux Algériens à pouvoir accéder à un logement compte tenu de l'injustice avérée dans les critères de répartition des habitations. Cette injustice a été reconnue par le même ministre : “Le système d'attribution des logements sera amélioré et les conditions d'octroi révisées. Il faut qu'il y ait un esprit de responsabilité dans la distribution des logements.” En attendant, il ne se passe pas un jour sans qu'éclatent des émeutes dans différentes localités du pays. A. H.