Résumé : Nazim s'était découvert des passions insoupçonnables pour la lecture, le cinéma, l'informatique et les arts sous toutes leurs formes. Contrairement à ses débuts, maintenant il ne faisait plus attention aux autres mutilés qui, comme lui, avaient mis leur destin entre les mains du Dr Lyes. Il était dans le jardin lorsque son regard accroche une femme. Elle était assise sur une roche et admirait les petits poissons qui se poursuivaient dans la grande marre en pierre. Elle passait et repassait sa main sous le jet d'eau qui ruisselait sur des cales assemblées. La jeune femme portait un chapeau à larges rebords qui cachait la moitié de son visage. Elle avait de très jolies mains fines, aux longs doigts effilés. Nazim s'approche d'elle et fait semblant de chercher quelque chose. Il ne savait pas pourquoi il voulait attirer son attention. Mais une chose était sûre : Il voulait savoir ce que faisait cette femme dans cet établissement. Le chapeau cachait sûrement une tragédie. Pourtant ce n'était pas la première femme qu'il rencontrait dans ces lieux. - Bonjour, lance-t-il dès qu'il fut près d'elle. Elle sursaute et relève la tête. Son chapeau tombe et elle s'empresse de le ramasser promptement et de le remettre sur sa tête. Mais Nazim avait eu le temps de remarquer la longue cicatrice qui lui barrait la joue gauche d'une extrémité à une autre. Les cheveux coupés courts n'arrivaient pas à camoufler cette disgrâce. Mais malgré tout, cette femme était très belle. - Excusez-moi… je vous ai effrayée ? La femme le regarde avec stupeur. Le jeune homme avait oublié durant quelques secondes qu'il n'avait pas de visage et qu'à la place de ses traits, il portait des pansements. Il se reprend et lève instinctivement une main comme pour se protéger. - Heu... excusez-moi encore… je... j'avais oublié que je n'avais pas de visage… Euh… je… je suis confus… je voulais juste... juste vous saluer. La jeune femme se ravise. Elle ébauche un sourire et lance d'une petite voix : - Vous ne m'avez pas effrayée. J'étais juste un peu surprise… Heu… moi aussi je suis passée par le scalpel… Heu... je veux dire que moi-aussi j'avais un visage mutilé… - C'est vrai ? (Il se racle la gorge) Cela ne se voit vraiment pas. Elle porte la main à la cicatrice sur sa joue gauche : - J'avais... j'avais un trou à la place de ma joue, et mon oreille s'était totalement décollée… Mais le docteur Lyes avait arrangé tout çà… Vous verrez… pour vous aussi ce sera la même chose. Nazim perd un peu de son assurance devant cette jolie femme aux grands yeux noirs et au nez retroussé : - Je... je ne sais pas si le docteur Lyes pourra me redonner un visage, mais sur vous cela semble bien prendre. Elle sourit encore : - Oui… On peut dire que je reviens de loin. Vous savez, quand vous êtes une femme et que votre visage n'est plus qu'une caricature, cela fait très mal. - Pour un homme aussi figurez-vous. Elle rit et Nazim sentit ses hésitations le quitter : - En tous les cas, vous êtes très belle. Le docteur Lyes n'a fait que colmater les cicatrices de votre joue. - Oh non ! Si vous aviez vu dans quel état je suis arrivée dans cette clinique, vous n'auriez jamais cru que je m'en sortirai, tant physiquement que moralement. - Que racontez-vous là ? Je suis encore plus mutilé que vous. À mon admission, mon visage n'avait rien qui l'indiquait… Je n'avais qu'un amas de chairs pendantes et brûlées. - Vous avez des brûlures au visage… ? Un accident… ? - Oui un accident de voiture… Et pour vous… ? Une tristesse voile les yeux de la jeune femme un moment, mais elle répondit d'une voix assurée : - Moi aussi j'ai eu un accident… Un accident domestique. - Le gaz... ? - Non… J'ai fais une chute de mon balcon… Une chute de quatre étages. - Vous êtes tombée du quatrième étage ? - Je suis tombée du quatrième étage, et j'ai atterri sur le toit d'un fourgon… C'est ce qui a amorti ma chute. Sinon je n'aurais pas répondu des conséquences. (À suivre) Y. H.