Le Forum euroméditerranéen des instituts de sciences économiques (Femise) estime que le régime de croissance économique ne permet pas encore de réduire les inégalités et les inquiétudes, alors que les tensions se sont multipliées au sein de la population. “L'économie algérienne retrouve sa tendance de croissance d'avant la crise, après une récession de courte durée qui a vu la croissance chuter à 2,2% en 2009, et le PIB a atteint environ 4,1% en 2010 soit le taux moyen annuel sur la période 2000-2007 et devrait se maintenir autour de 4,6% en 2011.” C'est ce que relève le Forum euroméditerranéen des instituts de sciences économiques (Femise), dans son dernier rapport sur le partenariat euroméditerranéen. “Comme toujours, quand les prix du pétrole augmentent, les exportations algériennes font de même et il est actuellement inutile de rappeler à quel point le régime national a été à la fois une bénédiction et une malédiction”, estime le Femise, soulignant qu'en termes de réserves internationales, il a permis à l'Algérie d'atteindre des sommets vertigineux et de pourvoir à ses besoins budgétaires. “Mais le potentiel maximal de croissance, possible grâce au développement de secteurs plus productifs de l'économie, n'a pas été atteint”, note le Femise, estimant que le régime de croissance économique ne permet pas encore de réduire les inégalités et les inquiétudes, et les tensions se sont multipliées au sein de la population. Dans des rapports précédents, en 2009 et 2010, le Femise a noté comment la croissance portée par le pétrole contribue à maintenir des fondations structurelles fragiles, soutenant une économie tournée vers l'importation, à l'exclusion du pétrole, et empêchant le développement d'une économie du savoir. Le Femise estime que si le pays est parvenu à réagir assez efficacement face à la menace de la crise internationale fin 2008, il reste beaucoup à faire pour établir un régime de croissance reposant moins sur l'accumulation de capitaux et plus sur la productivité et gage de stabilité dans la structure sociale dans un contexte de trouble régional. En matière d'indicateurs, le Femise relève qu'une hausse de 26,6% des exportations de biens a eu lieu en 2010 avec une augmentation estimée à 37,2% pour 2011, portant le total à 78,5 milliards de dollars. La balance commerciale a alors fortement rebondi en 2010 et elle devrait atteindre 28,7 milliards de dollars en 2011. Les investissements étrangers pourraient chuter de 5,4% à 3,5 milliards de dollars US, “ce qui reste relativement élevé”. Le taux de chômage a légèrement baissé en 2010, passant à 10% contre 10,2% en 2009. Après les six premiers mois de 2011, les estimations indiquent une nouvelle baisse à 9,7% pour l'année complète. L'indicateur d'efficacité gouvernementale, qui inclut la perception de la qualité des services fournis par les pouvoirs publics tout en offrant une mesure de la crédibilité et de la qualité de la mise en œuvre de la politique, semble s'améliorer entre 2000 et 2009. Dans le même temps, le contrôle de la corruption semble avoir progressé, reflétant probablement les efforts des pouvoirs algériens ces dernières années pour combattre la corruption. “Cependant, les mesures anticorruption en Algérie n'ont pas empêché le pays d'être mal classé au niveau mondial”, constate le FMI, rappelant que dans son édition de 2010, l'indice de perception de la corruption (CPI) de Transparency International classe l'Algérie 105e sur 178 pays et, malgré une légère amélioration (le pays était 111e dans l'édition CPI 2009), l'Algérie figure encore parmi les économies les plus corrompues de la région. Par ailleurs, en dix ans, l'Algérie s'est dégradée en termes de règle de qualité de régulation (WGI, Banque Mondiale 2010), c'est-à-dire la capacité des pouvoirs locaux à développer et appliquer des mesures politiques facilitant le développement du secteur privé national. “Si les efforts de démocratisation cessent, le pays risque de retomber dans une période d'instabilité politique.” Le Femise a récemment noté que les pouvoirs semblent suivre une tendance inverse par rapport au reste de la région, adoptant une position plus protectionniste de “patriotisme économique”. “Si une telle approche peut aider les entreprises locales, en restaurant le rôle des pouvoirs publics en tant que protecteurs contre les lacunes du marché, elle peut également freiner d'avantage le développement du secteur privé en limitant la présence de capitaux étrangers et d'échanges”, souligne le rapport. Le Femise note que le taux de change avait dérapé début 2011 après l'imposition du “crédit documentaire” en tant que moyen unique de paiement de toutes les importations. Malgré une hausse par rapport à l'euro en 2010, le dinar algérien baissa ensuite face aux deux principales devises (dollars US et euro). Sur le marché officiel (interbancaire), l'euro valait 106 AD, contre 90 AD environ début 2010 (EconomicsNewsPapers, 2011). Les exigences de crédit ont poussé les importateurs à chercher les devises nécessaires pour payer les importations sur le marché parallèle, qui a réagi en augmentant le prix de la devise européenne (moyen de paiement d'environ 80% des importations). “Ainsi, sur le marché non officiel des devises, l'euro s'échange maintenant contre 145 dinars, ce qui correspond à une dévaluation du dinar algérien de 40% sur 18 mois”, souligne le Femise. La diminution de l'offre pour l'euro, combinée à la montée de l'inflation et aux risques sociaux dans la région, pourrait amener les détenteurs de devises à voir l'euro comme une valeur refuge préférable au dinar. Sur le plan politique, le rapport relève bien que n'ayant pas été confrontée aux mêmes situations que la Tunisie et l'Egypte, la scène politique nationale est plus agitée qu'auparavant, estimant que “si les efforts de démocratisation cessent, le pays risque de retomber dans une période d'instabilité politique”. “À la lumière de ce qui se passe dans le monde arabe, deux options s'offrent à l'Algérie : continuer à faire des efforts pour réformer ses institutions et son économie pour plus de démocratie … ou retrouver une position protectionniste dans un effort visant à maintenir le statu quo politique”, indique le Femise. M R