Résumé : Nazim se sent moins seul depuis sa rencontre avec Nedjma. Ils sont devenus amis, et le jeune homme lui dévoile qu'il devrait subir sa seconde intervention dans quelques jours. La jeune femme le surprend en lui apprenant qu'elle était déjà au courant, et que Dr Lyès lui avait parlé de lui. Nazim lui avoue que la solitude du médecin le préoccupait. Nedjma acquiesce : - Tu l'as ressenti toi aussi ? Je pensais que j'étais un peu entichée de lui tout au début et cela m'a paru ridicule. Je me disais que cet homme avait tout pour être heureux et je m'étais totalement trompée. J'aimerais tant pouvoir faire quelque chose pour lui. Un lifting dans son subconscient par exemple. Nazim se met à rire : - Bien trouvé… Un lifting pour le subconscient d'un esthéticien, lui qui tente de suturer les plaies physiques, traîne dans les sillons de son âme une blessure indélébile. Il se penche vers Nedjma et chuchote : - à vrai dire, nous traînons tous cette blessure au fond de nous-mêmes. Nous allons peut-être venir à bout des maux de la chair, mais pour le reste, je peux te certifier que nous serons marqués à jamais. Nedjma garde le silence et Nazim remarque son air triste et contrarié : - Que se passe-t-il ? J'ai dis ce qu'il ne fallait pas ? Elle pousse un long soupir : - Tu réveilles quelque chose en moi. Quelque chose que je voulais oublier. Deux longues larmes tracèrent ses joues et Nazim se sentit coupable : - Oh… excuse-moi… Je ne voulais pas t'attrister. Je ne savais pas que ces quelques paroles allaient te bouleverser. - Pardonne-moi Nazim. Moi aussi je ne voulais pas réveiller les démons du passé, mais c'est plus fort. Il suffit parfois d'un geste, d'une parole… Elle renifle et poursuit : - Chacun de nous traîne, comme tu l'as si bien signalé, un monde de regrets et de remords au fond de lui-même… Une blessure, un écho à tous ce que nous subissons dans ce monde et que nous essayons d'enterrer sous des dehors insouciants. Les apparences sont souvent trompeuses. Si nous nous amusons à tenter de lire dans l'esprit de tous les gens qu'on rencontre tous les jours, nous allons découvrir mille et un secrets enfouis dans les dédales de l'âme. Ah… La vie ne fait pas de cadeaux et heureux ceux qui savent dominer leurs sens et leurs émotions. Elle se remet à pleurer et Nazim lui entoure les épaules de ses bras. Un geste dont il se serait cru incapable il y a à peine quelques jours : - Allons, allons, calme-toi donc Nedjma. Il regarde autour de lui et constate que leur place habituelle à côté du bassin à poissons était libre. Il entraîne alors la jeune femme vers le banc qui faisait face à la petite cascade d'eau et ils s' y installèrent tous les deux. Nedjma gardait le silence. Mais Nazim sentait le volcan qui bouillonnait au fond d'elle-même. Elle avait séché ses larmes et appuyé sa tête sur l'épaule de Nazim. De temps à autre, ce dernier ressentait comme un sursaut qui secouait son corps. Cette femme avait souffert et souffrait encore. Cela se ressentait comme une douleur. Une douleur profonde, qu'on préfère ignorer, mais qui revient au moment où l'on s'y attend le moins. Nedjma lui cachait beaucoup de choses. Contrairement à lui qui s'était confié à elle et lui avait relaté sa vie passée en grandes phrases, cette femme avait préféré refouler au fond d'elle-même ses malheurs. Lorsqu'il lui avait demandé de lui parler d'elle, elle avait tout bonnement haussé les épaules, et s'était contentée de lui répondre, dans un geste évasif, qu'il n'y avait pas grand-chose à raconter. Elle avait tiré un trait sur son passé, et son présent s'arrêtait dans cette clinique. Tant qu'elle n'en avait pas terminé avec ses soins et retrouvé un visage lisse et sans cicatrice, elle ne saurait reprendre sa vie en main. - Nedjma, dit-il après un long moment de silence, tu ne devrais pas t'encombrer de tous ces souvenirs du passé. Le poison finira par s'étendre à tout ton corps. Tu refoules tout. La blessure de ton âme finira par te tuer si tu n'essayes pas d'évacuer le trop-plein. Nedjma relève sa tête et regarde Nazim dans les yeux : - Il y a des choses qu'on n'aime pas trop évoquer. Tu le sais bien Nazim, toi qui as vécu l'enfer. Tu sais bien que ces choses font très mal. - Oui… Mais ces choses-là sont comme une infection. Si tu ne prends pas à temps l'initiative de la traiter, elle finira par s'étendre à tout le corps. Il est vrai que chacun de nous tente de dominer ses sens et garde un goût d'amertume en évoquant certaines choses. Seulement, je trouve que tu es assez intelligente pour comprendre que seule une bonne thérapie fera l'affaire. Elle consiste tout juste à se confier à quelqu'un en qui on a une totale confiance. - Tu me proposes de consulter un psychologue. C'est ça ? Nazim lève la main dans un geste de protestation : - Mais pas du tout ma chère (il lui fait un clin d'œil), je peux faire l'affaire, si tu veux bien de moi… Je te comprendrais bien plus qu'un psychologue, car moi je connais toutes ces blessures de l'âme. (À suivre) Y. H.