Al-Qaïda centrale de Zawahiri a annoncé, la semaine dernière par communiqué, que le groupe somalien Al-Shabab a rallié ses rangs. En effet, au mois d'août dernier, dans les colonnes de ce même média, j'avais anticipé cette situation avec les “révoltes arabes”. Al-Shabab passe de la piraterie au jihadisme islamique. C'est en 2010 qu'Al-Shabab a fait allégeance à AQ. Selon certaines informations, Al-Shabab compte actuellement environ 600 combattants étrangers dans ses rangs. Ils ne sont pas tous formellement membres d'AQ et beaucoup d'entre eux sont plus des bénévoles de la région, notamment du Kenya et du Soudan, que des bastions traditionnels arabes. La plupart sont adeptes de l'idéologie d'AQ et particulièrement sa vision du monde. Certains des combattants étrangers expérimentés occupent, actuellement, des postes supérieurs au sein d'Al-Shabab, par exemple, le chef du bataillon basé à Kismayo, qui est un jihadiste expérimenté libyen soupçonné d'avoir déjà travaillé avec AQ. Un autre haut dirigeant d'Al-Shabab, Mahmoud Moujajir, est Soudanais. D'autres leaders d'Al-Shabab, comme Ahmadi Obeïdi Judan al-Afghani et Mombasa Abou Moussa, semblent avoir passé du temps avec AQ à l'étranger. Le plus célèbre des jihadistes étrangers membres d'Al-Shabab est un Américain-Somalien dénommé Abu Mansour Al-Amriki, l'un des propagandistes les plus éminents d'Al-Shabab, et ayant prononcé un discours faisant l'éloge d'Oussama Ben Laden lors d'une conférence d'Al-Shabab en mai 2011. Selon toujours certaines informations, Al-Shabab, tout en utilisant des jihadistes étrangers, s'est également soigneusement établi au sein du système traditionnel des tribus et des clans somaliens, se présentant comme un “multiplicateur de force” et non comme un rival. Al-Shabab s'est attaché à des causes nationalistes traditionnelles, notamment en s'opposant à l'implication éthiopienne en Somalie et en se présentant comme un défenseur de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de la Somalie contre l'intervention étrangère. Les chefs de tribu, pour leur part, lui font don de capitaux, d'armes, le pourvoit en hommes et lui permettent d'opérer sur leur territoire. Cette coopération donne à Al-Shabab une importante force armée dont une partie est motivée essentiellement par des préoccupations tribales et l'autre par le jihad. Al-Shabab a aussi réussi récemment une alliance avec cheikh Tahlil Shihti Ali, chef de la Hirab Mahmud, une grande et respectée tribu dans le centre et le sud de la Somalie, en exhortant vivement les dirigeants et hommes d'affaires de la tribu à soutenir Al-Shabab pour libérer la Somalie. De plus, plusieurs autres groupes islamistes extrémistes somaliens, comme le Hizb islami, Al-Farouq (un groupe de militants de grande taille) et Ras Kamboni Force, ont rejoint Al-Shabab au cours de cette année en fusionnant leur structure avec celle d'Al-Shabab. En plus de ces liens opérationnels tissés entre Al-Shabab et les leaders locaux yéménites, il y aurait aussi des indications qu'Al-Shabab a tendu la main à Anwar al-Awlaki, le prédicateur d'AQ, né aux USA et très estimé par Al-Shabab, qui est actuellement en fuite dans le sud du Yémen, ainsi qu'un large éventail d'autres radicaux somaliens et yéménites. Ces liens n'ont pu se faire que grâce à des jihadistes envoyés de Somalie au Yémen, comme par exemple Ahmed Abdulkadir Warsame, un Somalien arrêté alors qu'il voyageait entre le Yémen et la Somalie, accusé de terrorisme à New York pour avoir organisé des traites d'armes entre les deux groupes et aussi d'agir comme un “go-between” entre Anwar al-Awlaki et Al-Shabab. Un autre lien potentiel entre Al-Shabab et Al-Awlaki est Qasim al-Raymi, l'un des plus hauts dirigeants de l'AQ péninsule arabique (Aqpa) au Yémen, soupçonné d'avoir passé du temps en Somalie avec des Somaliens devenus des dirigeants d'Al-Shabab après son évasion de prison au Yémen en 2006. Selon certaines expertises, il est mis en exergue les points-clés suivants. Al-Shabab peut être considéré comme le centre pour l'exportation du jihad vers, par exemple, l'Afrique du Nord et l'Arabie Saoudite. L'accent est mis sur le fait qu'Al-Shabab tend le bras à Aqmi en particulier. Al-Shabab a des intentions claires de travailler et de soutenir activement les groupes jihadistes au Maghreb et au Yémen. Al-Shabab reste attaché à la vision d'AQ du jihad mondial et est susceptible de continuer à tendre la main aux communautés de la diaspora somalienne à travers le monde. Même si Al-Shabab reste concentré sur le conflit avec le gouvernement somalien et avec les tribus somaliennes rivales, depuis le début des “révoltes arabes”, cette organisation intensifie son travail avec des groupes jihadistes arabes ciblés. C'est en ce sens qu'Al-Shabab est en train de construire des liens avec Aqmi et avec des groupes jihadistes naissants en Libye. Le plus frappant, cependant, c'est le renforcement de la coopération avec les militants au Yémen. D'ailleurs, ces derniers mois, Al-Shabab a commencé à envoyer plusieurs centaines de combattants au Yémen, des membres d'Al-Shabab ou des combattants étrangers et somaliens qui se considèrent comme étant, soit des alliés, soit faisant partie d'AQ. Ceci semble être un pourvoyeur d'AQ au Yémen (opérant désormais sous le nom de Ansar al-Sharia), qui a demandé des renforts de membres expérimentés pour l'aider à contrôler les zones dans le sud du Yémen, en particulier dans les gouvernorats d'Aden, Abyan et Lahij. En plus des combattants, Al-Shabab a également envoyé au Yémen un certain nombre de ses agents politiques chevronnés, somaliens et arabes. AQ au Yémen (Ansar al-Sharia) entend apparemment les utiliser pour administrer et percevoir les taxes dans les zones dont elle a pris le contrôle. Cet afflux d'éléments d'Al-Shabab au Yémen est fort probablement destiné à combler le déficit de compétences. La réorganisation d'AQ centrale en Al-Qaïda mouvements associés (Aqma) est bel et bien en cours. Le récent ralliement du mouvement d'Al-Shabab à AQ le confirme. A. C. *Expert en stratégie et membre du conseil d'experts du World Economic Forum sur le terrorisme, du forum Défense et Sécurité de Londres et du NSA Center for Stategic Studies de Washington.