Résumé : Nazim est malheureux. Il avait renoué avec la souffrance morale et oublié ses souffrances physiques et tout ce qu'il avait enduré. La vue de Nedjma discutant gaiement avec Dr Lyès lui avait fait ressentir que ce dernier courtisait la jeune femme. était-elle entichée de lui comme toutes les patientes qui venaient le consulter. L'idée de la perdre le rendait encore plus malade. Nedjma était revenue le voir à maintes reprises et ils avaient discuté de choses et d'autres. Elle était une agréable compagnie et il avait découvert que, derrière son visage ferme, se cachait un grand cœur. Un cœur qui ne demandait qu'à étaler ses sentiments. L'aimait-elle ? Il n'en savait rien. Il avait compris qu'il ne lui était pas indifférent, mais ce n'était pas assez. Pas assez en tous les cas pour lui, pour comprendre la profondeur de son attachement. On était encore en début de matinée. Nazim se sentait assez en forme pour se lever et arpenter sa chambre. Les roses déposées à son chevet dégageaient un agréable parfum. Il en prit une et l'approcha de son nez. Le contact avec ses bandages lui rappelle la triste réalité. Mais il ne se laissa pas aller. Il s'approche du lavabo et tente de découvrir ce qui se cachait derrière le masque blanc qui encadrait son visage. “C'est comme une chrysalide, lui avait dit malicieusement Nedjma. Il ne te sera possible de voir ton visage que lorsque ce dernier aura pris une forme finale". Elle s'était mise à rire de son rire contagieux qui, tel un baume, avait atteint les tréfonds de l'âme. Nazim passe une main sur ses pansements. Il aurait donné cher pour découvrir ne serait-ce qu'un dixième de ce que Dr Lyès avait réparé. Ce dernier s'en était frotté les mains lorsqu'on lui avait changé les bandages au lendemain de son opération. Nedjma avait applaudi. Aucun des deux n'avait voulu lui en dire davantage. Il revint vers son lit et s'y laisse tomber. Un splendide soleil brillait à l'extérieur. Nazim avait envie de sortir pour accueillir la nature naissante. Il se sentait encore faible pour se hasarder tout seul dans le jardin et espérait que Nedjma ne tarderait pas à se pointer. La veille, elle avait passé de longues heures à lui faire la lecture. Elle l'avait aidé à avaler quelques cuillerées de soupe avant de le forcer à prendre une compote de pommes qu'elle avait préparée elle-même à son intention. Il avait apprécié son geste, et sa sollicitude lui était allée droit au cœur. Pourtant une ombre passe devant ses yeux, et il sentit une tristesse l'envahir. à la fin de sa visite, Nedjma lui avait parlé du Dr Lyès et avait fait ses éloges. Ce dernier était venu la chercher pour la raccompagner. Bien sûr, ils avaient échangé des amabilités, et le médecin l'avait rassuré. Son état n'était plus aussi désespéré qu'il le pensait et les prochaines opérations qu'il devrait subir incessamment détermineront définitivement les traits du visage. Le docteur lui avait tapoté l'épaule, en lui demandant de ne plus s'inquiéter. Pour détendre l'atmosphère, il raconta l'anecdote de la journée et Nedjma s'amusa en l'écoutant narrer les séquences d'une scène entre une femme et son mari. Cette dernière voulait refaire son nez et remodeler ses pommettes. Mais vu le coût excessivement élevé de l'opération, le mari s'y était opposé, arguant qu'elle était belle ainsi avec son nez en bec d'aigle, ses bas-joues et ses rides. La femme était alors entrée dans une colère noire et lui avait jeté tout de go que maintenant, elle était certaine qu'il entretenait une relation hors mariage avec une jeunette et que l'argent qui devait servir pour les opérations de lifting irait tout bonnement dans la tirelire de la donzelle, ou serait utilisé dans le seul but de satisfaire ses désirs. Sur ce, elle avait jeté son sac au visage de son mari avant de piquer une crise d'hystérie. Le médecin avait dû user de toute sa patience pour apaiser les esprits. La femme n'avait fini par se calmer que lorsque l'homme a sorti son carnet de chèques. - Va-t-elle retrouver un semblant de jeunesse ? avait demandé Nedjma en riant, à la fin du récit. Dr Lyès sourit : - La jeunesse n'est pas toujours dans le physique. Le tout est dans l'esprit. Et d'après la scène de tout à l'heure, notre bonne dame n'est plus de la prime jeunesse. Elle pourra se rafistoler le visage autant de fois qu'elle le voudra, elle ne retrouvera jamais la fraîcheur de ses vingt ans. - Alors cela ne servira à rien de se faire un lifting et de se torturer dans un bloc opératoire. - Absolument. Chaque âge a son charme. Et à chaque âge on a une nouvelle conception de la vie. Les idées de vingt ans n'ont plus lieu d'être à quarante ou cinquante ans. Tout comme une jeune femme de vingt ans ne pourrait avoir les idées d'une femme d'âge mûr. Tu dois en connaître un bout là-dessus jeune demoiselle. - On me rebat assez les oreilles avec la formule : si jeunesse savait et si vieillesse pouvait. - Tout à fait. Cela résume donc en une phrase les aléas de l'âge et de la vie. Nazim avait suivi en silence cette conversation. Il ne pouvait pas parler et n'en avait pas envie. Il regarde Nedjma qui riait en discutant avec Dr Lyès. Ce dernier semblait heureux lorsqu'elle lui avait annoncé que son orthopédiste lui avait confirmé que, dans quelques mois, on va lui retirer la broche de son tibia, et qu'après quelques séances de rééducation elle finira par retrouver sa vitalité et remarcher comme avant, c'est-à-dire sans boiter. Nazim avait hoché la tête pour marquer sa satisfaction. Dr Lyès par contre a passé le bras autour des épaules| de la jeune femme en l'entraînant à l'extérieur de la chambre. (À suivre) Y. H.