Présente à Batna la semaine dernière, dans le cadre d'une mini-tournée promotionnelle de son nouvel album, cette diva qui s'illustre dans la musique andalouse évoque, dans cet entretien, son nouvel album ainsi que la transmission de ce patrimoine. Liberté : Vous avez sorti un nouvel album, d'où votre présence à Batna. Quelle est la nouveauté de ce nouveau disque ? Beihdja Rahal : Rien de nouveau, je n'ai fait qu'interpréter le patrimoine de la musique andalouse qui existe déjà depuis des siècles, pour le préserver, le faire perdurer et le transmettre de génération en génération, c'est tout. Peut-être la particularité ou l'originalité vient du côté de la voix. Je n'ai rien apporté, je n'ai rien changé. Pour moi, l'authentique patrimoine est à préserver et à conserver tel qu'il est, sans que ne nous lui apportions des changements. Cette musique ancestrale n'a pas besoin d'être arrangée pour être plus entendue. Elle est tellement belle comme elle est et comme elle nous a été transmise depuis des siècles, nous la gardons. Celui qui veut la chanter la chante, celui qui ne veut pas doit s'abstenir pour ne pas la travestir. La musique andalouse est très consommée, et les jeunes sont en train de l'écouter et de l'apprendre. Vous œuvrez donc pour la préservation de ce patrimoine tel quel ? Effectivement. Mon plus cher objectif à concrétiser sur le terrain est de préserver ce patrimoine de la déperdition. Actuellement, je mène une lutte pour le transmettre aux générations par l'organisation de concerts, son enregistrement et surtout par son enseignement. Justement dans l'enseignement, quelle méthode utilisez-vous ? La méthode ancienne : l'oralité, le bouche à oreille. La méthode où l'élève ne fait que mémoriser ce que l'enseignant lui répète. J'essaie de continuer à suivre la méthode que mes anciens maîtres m'ont apprise. Sincèrement, je pense que cette ancienne méthode est la meilleure pour enseigner la musique andalouse. On parle de l'écriture de cette musique andalouse pour la préserver de la déperdition, mais je crois qu'il n'y a plus de danger, étant donné qu'elle est enregistrée. Mais on affirme que le patrimoine de la musique andalouse n'est pas le même depuis des siècles. La preuve est que des 24 noubas, on n'en connaît aujourd'hui que douze complètes… Laissez-moi vous dire que les 24 noubas ne sont qu'une légende. Pour moi, il n'existe que 12 noubas qui continuent d'ailleurs à être interprétées à travers le monde. Maintenant, si l'on insiste, il faut qu'on apporte la preuve pour que les 24 prétendues aient existé. Permettez-moi de vous préciser qu'il n'y a aucune preuve qui atteste que les 24 noubas ont existé. Ce ne sont que des faits hypothétiques et historiques transformés par l'imagination populaire ou par des poètes. Regardez à Timgad ! Si nous avançons que les Romains étaient là, c'est parce que les ruines attestent de leur existence, leur présence. Celui qui affirme le contraire qu'il nous apporte la ou les preuves. Ce ne sont que des spéculations ! Il faut qu'on m'apporte la preuve que ces 24 noubas ont bel et bien existé. Il n'y a par ailleurs aucune trace de ces 12 noubas perdues. Dans nos deux livres édités, on ne parle que d'une légende. Pour l'instant, ce n'est qu'une légende. En Algérie, nous trouvons des écoles différentes musicalement : El-Gharnati à Tlemcen, la Sanâa à Alger et le Malouf à Constantine. Certains réclament qu'on rassemble les trois écoles en une seule. Qu'en pensez-vous ? C'est la même source, c'est la même musique andalouse avec des rythmes différents, je ne sais pas pourquoi ces gens-là veulent les rassembler en une seule école. Ce sera une fatidique erreur ! Nous avons trois écoles, c'est une richesse pour l'Algérie. Il faut respecter ce patrimoine. Cette diversité de styles n'est qu'une richesse dont il faut s'enorgueillir. La musique andalouse est un patrimoine à sauvegarder et à transmettre aux générations à venir. B. B.