Qu'on prenne bien garde ! On ne peut pas dire ou écrire n'importe quoi s'agissant de la Révolution de Novembre 1954 et, plus encore, de l'Histoire de notre pays. Tout simplement parce que c'est un patrimoine commun à tous les Algériens. Bien sûr, il n'est question ni de limiter la liberté d'expression ni d'orienter en quoi que ce soit les recherches, mais d'appeler tous les intervenants à respecter les règles déontologiques les plus élémentaires. On assiste souvent, par presse interposée à des remises en cause ou à des déclarations tonitruantes sans fournir la moindre preuve. La dernière en date porte sur les contacts secrets qu'aurait entretenus Abane Ramdane avec des émissaires français avant août 1957 pour mettre fin à la guerre d'Algérie, question déjà tranchée par la justice. J'ai eu la faiblesse de croire qu'après la publication du libre de Maître Mabrouk Belhocine, en 2000, intitulé Le courrier Alger-Le Caire, où il reproduit les fac-simulés des lettres échangées entre Abane et Khider, la question des contacts secrets avec la France avait été clairement, totalement, et définitivement tranchée dans le sens que rien, absolument rien, ne pouvait être reproché à l'organisateur du congrès de la Soummam qui s'était employé avec une loyauté et une clarté inégalables à mettre au courant ses “frères du Caire”. Les réponses explicites de Khider en sont la preuve indiscutable. Je recommande la lecture des lettres du 13 mars et du 23 avril 1956. Moi-même, j'ai entrepris dans mon livre sur “Abane le Faux-Procès”, publié en 2007, de refuter, preuves à l'appui, les accusation portées contre le créateur des institutions de la Révolution. On oublie trop souvent que c'est le CNRA créé par Abane, qui a mis fin à la guerre, lors de sa réunion à Tripoli (Lybie) en février 1962, malgré la guerre des chefs. Comment peut-on expliquer, par conséquent, ces attaques périodiques par une poignée d'anciens acteurs, plus ou moins importants de la Révolution ? Ignorance totale des écrits ? Impardonnable ! Retard dans les mises à jour intellectuelles ? Possible, donc excusable, peut-être ! Déficit de notoriété ? Ça existe. À moins que, plus gravement encore, il s'agisse de remettre en cause, pour des raisons assez faciles à percer, des évènements grandioses auxquels les accusateurs n'ont pas été admis ; l'Histoire n'invitant que les grands hommes à sa table. Que serait devenue la Révolution algérienne sans le Congrès de la Soummam dont les institutions ont survécu à leur créateur ? L'Histoire d'un pays, surtout d'une révolution exceptionnelle, n'est pas un hochet qu'on agite à tout propos. Je propose formellement que la prochaine Assemblée nationale se saisisse de cette question pour déterminer de quelle manière un auteur serait tenu de produire des preuves écrites sur des affirmations aussi spectaculaires que celles rapportées récemment par l'article d'El Khabar dans sa livraison de mars 2012. Après tout, le journaliste est bien tenu de vérifier, autant que possible, la véracité de ses informations. Pourquoi ne demanderait-on pas à un auteur, à un témoin, libre de ses opinions de produire les preuves de ce qu'il avance ; surtout lorsqu'il s'agit de sujets aussi sensibles, voire explosifs, liés à la Révolution algérienne ? L'intérêt général le commande. Au total et en définitive, la répétition d'un mensonge, d'une calomnie ou d'une diffamation, surtout condamnée par la Justice, ne donne pas plus de force à ceux-ci pour masquer la monstruosité de l'assassinat de Abane ou soulager des consciences qui n'ont pas pu ou voulu l'éviter. Un assassinat restera toujours un assassinat quels que soient les artifices utilisés pour l'expliquer. Pas plus que le temps ne le fera oublier. Les deux documents publiés par mes soins, pour la première fois, dans mon livre cité plus haut, dont l'un est signé par les cinq colonels du CCE : Boussouf, Krim, Ben Tobbal, Ouamrane et Mahmoud Chérif ont scellé à jamais la vérité : il n'y a eu ni tribunal, ni jugement, ni verdict pour condamner Abane. Seul le choc des ambitions des prétendants à sa succession a conduit au pire. K. M. Auteur, ancien professeur de droit