Les accords d'Evian, signés le 18 mars 1962 et devenus effectifs le 19, scellaient l'indépendance de l'Algérie après 8 ans d'une guerre meurtrière et 132 ans de violence coloniale. Un demi-siècle plus tard, le passif historique franco-algérien demeure entier, la réconciliation franco-algérienne promise par Jacques Chirac restant un horizon que son successeur Nicolas Sarkozy a renvoyé aux calendes grecques. Ce ne fut pas de gaieté de cœur que la France s'installa sur la table des négociations pour reconnaître les revendications de la lutte déclenchée aux premières heures de la “Toussaint” de 1954 pour l'indépendance nationale portées par le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Paris devait se rendre à l'évidence : l'Algérie appartenait à ses propres propriétaires qui n'avaient jamais baissé les bras pour recouvrir leur indépendance et dont les derniers coups de baroud ont annoncé la marche de l'histoire de la décolonisation. Peu après les milliers de morts faits par la répression coloniale à Sétif et Guelma en 1945, le déclenchement de la lutte pour l'indépendance du peuple algérien accélère les premières décolonisations et amplifie le mouvement. En 1954, les Britanniques abandonnent l'Asie et les Hollandais l'Indonésie. La France elle-même est chassée de l'Indochine après Dien-Bien-Phu le 21 juillet 1954. La conférence de Bandoeng, en Indonésie, du 17 au 24 avril 1955, réunit 29 délégués de pays d'Afrique et d'Asie, dont le FLN algérien, pour affirmer leur volonté d'indépendance. Ce fut le point de départ du Mouvement des non-alignés qui rejetait le monde bipolaire imposé par les Etats-Unis et l'Union soviétique, un nouveau moment d'accélération des indépendances. En 1956, la France reconnaît l'indépendance de la Tunisie et du Maroc pour essayer de se garder l'Algérie, son département d'outre-Méditerranée parce que transformée en colonie de peuplement par une politique génocidaire contre ses autochtones. Sans remonter à l'arrivée des Français en 1830 et au siècle de “pacification” fait de razzias, de terres brûlées, de structures sociales, économiques et culturelles anéanties, d'enfumades et de déportations, il n'est qu'à rappeler que durant la guerre de Libération, un tiers — au moins — de la population rurale algérienne fut déplacé dans “des camps de regroupement” qui n'étaient autres que des camps d'internement, dans lesquels 20 000 personnes, d'après les estimations les plus basses, moururent de faim, d'épidémies, ou furent victimes d'exécutions sommaires. La population algérienne continue aujourd'hui de subir les conséquences des essais nucléaires dans la région de Reggane. Le lourd tribut humain d'une guerre de 8 ans que la France a longtemps appelée “évènements d'Algérie” et qui vit aussi les actions terroristes de l'OAS contre l'indépendance algérienne, n'est pas encore quantifié. Les Algériens malgré le demi-siècle n'ont pas oublié le fait colonial d'autant que de l'autre côté, leur indépendance reste encore au travers de la gorge non seulement de pieds-noirs mais aussi de pans de l'establishment politique. La loi française du 23 février 2005 affirmait “le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord” ! L'alinéa fut heureusement abrogé par le Conseil constitutionnel face au tollé soulevé au sein d'historiens qui tentent de réconcilier leur pays avec ses fondamentaux du siècle des Lumières et de la révolution de 1789. Ces historiens reprochent à leur Etat de ne pas assumer son passé colonial. N'a-t-il pas fallu attendre 1999 pour que la France officielle reconnaisse qu'il s'agissait d'une guerre et non pas d'opérations effectuées en Afrique du Nord. Le président, Nicolas Sarkozy, n'a pas pour autant baissé les bras, dès son arrivée à l'Elysée, il réfutait l'idée même de repentance pour les crimes commis par la France en Algérie et qui relèvent d'un tribunal international même s'il y a prescription. 50 ans après la signature des accords d'Evian, non seulement la France officielle ne reconnaît pas les crimes dont son Etat s'est rendu coupable avant et pendant la guerre d'Algérie, mais Nicolas Sarkozy a fait le choix délibéré de ne tendre l'oreille qu'à l'OAS et, accessoirement, aux harkis pour faire porter le fardeau de leur drame au FLN, à l'Indépendance de l'Algérie ! Sous Sarkozy, les hommages publics pleuvent dans certaines villes de France aux membres de l'OAS Le gouvernement français n'organise aucune commémoration nationale ce 19 mars ni la veille, comme pour effacer qu'il y a cinquante ans, la France reconnaissait à Evian sa défaite. Comme huit années auparavant, elle reconnaissait à Genève sa débâcle au Vietnam. “L'anniversaire du cessez-le-feu de la guerre d'Algérie divise les Français”, a avoué le ministre de la Défense française qui rappelle que son pays n'honore ses morts en Afrique du Nord que le 5 décembre, selon le calendrier décidé par Jacques Chirac en 2003. Une date qui ne correspond à aucun événement de la guerre d'Algérie. De même, le 18 mars, date de la signature des accords d'Evian entre Paris et le GPRA en 1962, ne sera pas fêté officiellement par la France qui, par contre, a encouragé des cérémonies d'hommages aux partisans de l'Algérie française dont l'OAS classée par de Gaulle comme terroriste. D. B