Le poids du politique a-t-il eu raison du travail de mémoire ? Le cinquantenaire des accords d'Evian a été célébré dans la discrétion aussi bien en Algérie qu'en France. Le déballage, promis par l'extrême droite et le lobby des pieds-noirs, n'a pas vraiment eu lieu, hormis quelques attaques haineuses dont l'Algérie semble avoir été habituée depuis la scandaleuse loi du 23 février 2005 glorifiant la présence coloniale française. En Algérie, le projet de loi, criminalisant le colonialisme, est désormais mis en veilleuse et remplacé par une autre priorité qu'est la récupération des archives de la guerre d'Indépendance. Dans les deux pays, le ton était à la modération. Les échéances électorales, présidentielle française et législatives algériennes qui par un hasard de calendrier auront lieu le même jour, ont-elles pesé lourdement dans ce choix d'Etat ? On le saura certainement un jour. En revanche, les conférences, organisées dans le pays autour des accords d'Evian, ont eu cette particularité de mettre les choses au clair et de clouer le bec à certains acteurs de la Révolution tentés par le révisionnisme. Ce n'est pas par hasard si Rédha Malek a rendu un vibrant hommage à Krim Belkacem, chef de la délégation algérienne et signataire des accords d'Evian. Mais c'est Daho Ould Kablia, président de l'Association du MALG, qui est allé plus loin. Il a tenu à défendre la mémoire de Abane Ramdane en répondant aux accusations à peine voilées de Ali Kafi et de Amar Benaouda en déclarant, arguments à l'appui que “l'architecte de la Charte de la Soummam n'a jamais tenté de négocier avec les autorités coloniales françaises à l'insu des instances de la Révolution”. Le ministre de l'Intérieur est même revenu sur une page méconnue de ce processus de négociations en révélant que Boumediene, Ben Bella, Ali Mendjeli et Kaïd Ahmed avaient voté contre les accords qui allaient sceller l'Indépendance nationale après 132 ans de colonisation et 7 ans de guerre. Sans doute, et 50 ans après l'Indépendance, il demeure encore difficile d'évoquer la guerre de Libération tant celle-ci était grandiose et justement historique. Historique car elle a prédéterminé l'architecture politique de l'Algérie indépendante, où les acteurs de la Révolution sont encore vivants, et structuré la vie politique en France, où le lobby de “l'Algérie française” a toujours son mot à dire. Sarkozy en connaît un bout lui qui veut une fois de plus emprunter le discours du Front national pour un second mandat à l'Elysée. S. T.