C'est une dépouille encombrante qui n'est pas prête d'arriver à Alger. Une semaine après sa mort, Mohamed Merah continue de semer le trouble aussi bien dans les relations algéro-françaises que dans les milieux du renseignement. Il y a une part d'indécence dans la polémique qui entoure la mort de Merah. Il y a aussi une part d'instrumentalisation qui commence à donner une dimension insupportable à cette affaire. Les protagonistes de cette affaire se déchirent sur son cadavre et sur les symboles au point de frôler le cynisme le plus abject. D'abord, les autorités françaises. Exécuté alors qu'il aurait pu être pris vivant par le Raid, Mohamed Merah a fait l'objet de marchandages afin qu'il ne soit pas enterré en France. Le gouvernement français étant disposé à récupérer politiquement le drame mais à se débarrasser, physiquement, de la dépouille. Juppé, qui s'est empressé de mettre la kippa pour pleurer les victimes, retrouve de la voix pour interdire à la famille Merah de faire entendre la sienne. Drôle de conception de la liberté de parole. Reste que Merah, encore plus gênant mort que vivant, n'en finit pas d'alimenter les meetings du candidat Sarkozy qui ne veut pas lâcher l'affaire car le symbole est porteur auprès de l'électorat qu'il courtise. En définitive, si Merah est aussi important, médiatiquement, pourquoi tenter de refiler cette “patate chaude” à Alger dont le silence est tout aussi problématique. Ensuite, la famille Merah. Si dans l'absolu la famille a le droit de récupérer la dépouille, elle devrait être moins entreprenante pour présenter le tueur de Toulouse comme une victime. Car Mohamed Merah n'en est pas une. Si son enterrement devrait se dérouler normalement — rite musulman oblige —, car un mort est un mort, la contre-offensive médiatique des Merah a quelque chose d'aussi impudique que la récupération politicienne en France. Merah n'a pas été victime d'une bavure policière à la sortie d'une boîte de nuit, ni d'un coup de feu accidentel d'un boulanger raciste. Il a pris les armes, a tué des enfants et a décidé de ne pas se rendre. Ce qui fait une sacrée différence sur le profil que tente de faire admettre la famille. Enfin, le parcours de Merah. Entre l'obstination française et l'intransigeance de la famille, toute cette polémique sur le lieu d'enterrement semble être une diversion lamentable sur le véritable CV du tueur en scooter. Passé par le Waziristân, montrant ses photos de vacances jihadistes à la DCRI, filé par la DGSE jusqu'en Israël où il a étrangement séjourné sans aucun problème, revenu en France sans être inquiété, le parcours de Merah est un mystère qui risque d'exploser un jour à la figure des barbouzeries françaises. Jusque-là, il s'agit de l'enterrer au plus vite avec l'espoir que son cadavre ne va pas hanter ceux qui veulent profiter de sa disparition. M. B.