Les récents attentats à Istanbul montrent, s'il en est besoin, l'échec de la théorie des dominos, ce processus selon lequel la chute de Saddam devait sonner le glas de tous les pouvoirs autocrates dans le monde arabo-musulman. C'est tout le contraire qui s'est produit. L'Irak s'est transformé en un véritable cauchemar pour Bush, qui vient d'effectuer une visite-éclair à Bagdad pour remonter le moral des troupes, mais certainement pour examiner de près ce qu'il y a lieu de faire pour sortir de l'engrenage. Ses alliés ont, eux aussi, fini par saisir toute la profondeur de ce bourbier. Tandis que les dirigeants polonais regrettent leur précipitation, que ceux de Grande-Bretagne, d'Italie, d'Australie et d'Espagne doivent faire face à leurs opinions, le Japon et la Turquie sont satisfaits de n'avoir pas céder aux pressions US. La France se frotte les mains : Chirac a vu juste. L'Onu, qui aurait pu alléger le fardeau pour les américains, s'est exfiltrée de l'Irak après avoir subi deux attentas sanglants. Il n'y aura pas d'autre résolution sur l'Irak, mais un groupe de contact comprenant les membres du conseil de sécurité et les voisins de l'Irak planche sur comment aider les états-Unis dans leur désengagement militairement. Bush doit même ravaler son rêve de faire de l'Irak un modèle de modernité. Il a beau faire nommer une ambassadrice irakienne à Washington, dans le pays, ne sont au premier plan que conservateurs et islamistes. L'islamisme promis à la disparition est de retour dans la région. Les Al-Saoud se retrouvent dans la situation cocasse de l'arroseur arrosé. Le wahhabisme, qui a nourri l'islamisme radical, s'est retourné contre eux. Al-Qaïda frappe au cœur de l'Arabie Saoudite. Le régime promet des réformes. Trop tard, le mécontentement est profond et l'archaïsme semé par la famille régnante a pris racine. En Afghanistan, la situation n'est guère brillante. Karzaï contrôle Kaboul grâce à l'Otan et aux GI's, et lui qui se voulait aux standards universels ne jure plus que sur la charia. Les talibans, qui s'étaient repliés dans les zones tribales, frontalières du Pakistan, sont même de retour. Le Pakistan est le théâtre d'attentats islamistes Comme ses pairs du monde musulman, Musharraf continue à jouer avec l'islamisme pour empêcher l'émergence de forces démocratiques et modernes. En Turquie, le gouvernement a beau être islamiste, cela n'a pas empêché le terrorisme de frapper à Istanbul. En Palestine, Ariel Sharon poursuit inexorablement la construction de son mur qui ne fait qu'accroître les haines et les frustrations dont seul Hamas en tire bénéfice. L'appui aveugle des états-Unis à Sharon a fortement contribué à la marginalisation des éléments démocratiques de la résistance palestinienne. C'est peut-être ce qui est recherché par la Maison-Blanche qui considère les deux plans de paix présentés par diverses personnalités palestiniennes et israéliennes comme de simples “idées” ! Ailleurs, dans le monde arabe, les régimes autocrates ont repris du poil de la bête, persuadés que Bush n'a pas d'autre issue que de continuer à les soutenir s'il veut éviter la déferlante islamiste radicale. Dire, que jusqu'au retournement de situation en Irak, tous ces rois et chefs d'état se tenaient le ventre… D. B.