Le G8 réconcilié à Evian, Bush estime qu'il a désormais toute la latitude pour mettre en œuvre sa “feuille de route” moyen-orientale dont le processus débute avec le règlement du conflit israélo-palestinien. Fort des soutiens de l'UE, de la Russie et des Nations unies, il réunit autour de lui à Aqaba, port jordanien, Sharon et Abou Mazen, pour mettre en œuvre le plan qui doit établir vers 2005 l'Etat palestinien. Il doit d'abord venir à bout des Israéliens qui, estimant avoir trop fait, n'en demandent pas moins que la reconnaissance du partage tel qu'il est sur le plan militaire, à savoir un drapeau pour un Etat constellé de poches de colonies juives qu'il faut non seulement sécuriser, mais lier entre elles et avec Israël avec des routes prises sur les lambeaux de territoires concédés aux Palestiniens. Sharon a bien accepté la “feuille de route” mais pas dans son intégralité comme l'exige Abou Mazen. Il refuse le démantèlement des colonies sur la portion palestinienne, rejette le retour des réfugiés palestiniens et exige même un droit de regard sur la gestion sécuritaire. En outre, il soumet le démarrage du processus de normalisation à l'arrêt des activités de Hamas. Abou Mazen a tout de même réussi à lui arracher quelques concessions symboliques, lors de leur première rencontre à El-Qods, la semaine dernière. Sharon a libéré quelques prisonniers palestiniens et desserré l'embargo qui frappait la main-d'œuvre palestinienne depuis l'Intifadha. C'est peu, mais c'est toujours une bouffée d'oxygène pour une société exsangue dont les infrastructures ont été pratiquement détruites depuis qu'il est au pouvoir. Bush, qui veut avoir un second mandat et qui ne peut pas se mettre en porte-à-faux avec le puissant lobby juif américain, compte obtenir de la part des Palestiniens d'autres concessions exigées par Sharon au travers des 14 réserves qu'il a émises sur la “feuille de route”. Avant d'affronter Abou Mazen, il a pris soin de rassurer les principaux dirigeants arabes de la région qui ont certainement reçu les assurances que la pax americana n'est pas dirigée contre eux comme l'avaient laissé entendre les concepteurs de la guerre contre l'Irak qui, selon eux, devait sonner le glas des pouvoirs autocratiques et théocratiques dans le monde arabo-musulman. Quoi qu'il en soit, ces régimes sont invités à procéder à des changements au sein de leur société pour extirper les germes de l'intolérance et promouvoir des systèmes plus ouverts. Le Qatar, qui a pris la relève de l'Arabie Saoudite, en qualité de base stratégique des Etats-Unis dans le Proche-Orient, s'est, d'ores et déjà, doté d'une constitution et a attribué le droit de vote à ses femmes. Quant à l'Arabie Saoudite, elle est l'objet de fortes pressions pour abandonner sa croisade salafiste dans le monde et procéder à la réforme de son système d'enseignement. L'Egypte, elle, semble vouloir prendre le taureau par les cornes en s'interrogeant très sérieusement sur les prêches et la fonction des prédicateurs. Une enquête parlementaire a établi le lien entre le savoir religieux tel qu'il est prodigué et le développement de l'intolérance. Comment interpréter l'absence de la Syrie au sommet de Charm El-Cheikh ? En ne conviant pas cette pièce maîtresse de la paix dans la région, Bush tient sûrement à notifier à Bachar Assad qu'il doit faire d'autres concessions encore pour ne plus être suspecté d'Etat voyou. D. B.