Le moment de vérité pour la tendance “dialoguiste” est arrivé. Pour le Chef du gouvernement aussi. Les archs ruent dans les brancards : que vont-ils répondre à l'invitation d'Ouyahia, lors du conclave de l'Interwilayas qui se tient aujourd'hui à Tizi Ouzou ? Moment de vérité pour la tendance “dialoguiste” du mouvement citoyen. Celle-ci sera face à son destin, aujourd'hui, à l'occasion du sommet des archs prévu au collège Azib-Ahmed, dans la banlieue de la ville des Genêts. Les archs, gagnés par une atomisation, à la limite de l'implosion, depuis notamment l'offre de dialogue lancée par le chef du gouvernement, en mai dernier, apprécient différemment la dernière sortie d'Ouyahia. Si les délégués ayant boudé la rencontre de l'Intht de Tizi Ouzou sont plus prosaïquement contre toute la démarche dialoguiste, version Ouyahia, les conclavistes de la dernière rencontre de l'Interwilayas —qui a connu plusieurs défections — se disent globalement favorables à une prise de langue avec le Premier ministre. En la matière, le conclave de l'Interwilayas d'aujourd'hui prend les contours d'une formalité protocolaire pour arrêter les aspects procéduriers, en vue d'un dialogue qui, visiblement, cache mal des négociations souterraines. En invitant les archs à lui dégager la délégation pour “convenir ensemble de la date d'ouverture de ce dialogue”, selon la dépêche de l'agence officielle l'APS, M. Ouyahia ne semble pas avoir pris en considération la division que sa démarche a provoquée dans les rangs du mouvement citoyen. Pis, le chef du gouvernement n'a pas répondu à l'exigence première des archs qu'il a conviés à un dialogue “pour la prise en charge des incidences de la crise” et “la mise en œuvre de la plate-forme d'El-Kseur”. Or, les archs posent la condition de satisfaire d'abord les six préalables, devenus subitement “incidences”, avant d'aller négocier la mise en œuvre de la plate-forme d'El-Kseur qu'ils ont, eux-mêmes, décrétée “scellée et non négociable”. Il reste que, y compris chez les délégués dialoguistes, il y a comme des réticences justifiées concernant l'appel d'Ahmed Ouyahia. “La satisfaction des incidences d'abord”, objectent certains délégués, partie prenante de l'Interwilayas de ce week-end. Un conclave qui risque de connaître de nouvelles défections parmi les coordinations locales. Ainsi, la coordination communale de Chabet El-Ameur, wilaya de Boumerdès, qui a pris part au conclave de l'Intht de Tizi Ouzou avec un statut d'observateur devant l'absence de la coordination de la wilaya de Boumerdès, semble réticente à propos de l'offre d'Ouyahia. “On ne peut pas prétendre mettre en œuvre la plate-forme d'El-Kseur, en fermant les yeux sur le durcissement de la répression à l'égard de tout mouvement de contestation”, estime-t-on, allusion faite à la grève des enseignants. Ayant pris part à la dernière rencontre de l'Interwilayas, la coordination d'Alger se démarque des actions et décisions non consensuelles. S'inscrivant dans une démarche unificatrice des rangs, la coordination d'Alger, dans une déclaration rendue publique, estime que c'est l'offre de dialogue faite par le Chef du gouvernement qui “a provoqué l'émergence de fortes discussions internes, (...) motivées par des visions opposées et difficilement réconciliables”. La coordination appelle à l'organisation d'une Interwilayas de vérité et de réconciliation. Les coordinations d'Alger et de Boumerdès ainsi que l'aile “non-dialoguiste” de la CICB, Coordination intercommunale de Béjaïa, réunie lundi à Akbou, apportent leur soutien indéfectible aux enseignants grévistes du secondaire. Des enseignants sur qui pleuvent des radiations par milliers sans que cela suscite une réaction des archs dialoguistes, pourtant habituellement si prompts à dénoncer les dépassements du pouvoir qualifié de “maffieux et assassin”. Est-ce peut-être pour ne pas contrarier Ouyahia dans son plan de normalisation de la Kabylie ? Et ce dialogue qui ne fait pas le consensus dans la maison des archs est un élément de cette normalisation politique en prévision de la présidentielle. Parallèlement au conclave de l'Interwilayas, les non-dialoguistes tiendront des conclaves de wilaya “pour continuer le combat”, disent-ils. Les deux ailes non-dialoguistes de la CICB et de la CADC organiseront, aujourd'hui, des réunions de travail, respectivement à Akbou et à Irdjen. Quant aux partisans de l'ultimatum, s'ils feignent méconnaître les intrigues et manœuvres du pouvoir, qui est au dialogue ce que les nomades sont à la plongée sous-marine, ils peuvent le mettre au défi : ils reviendraient, de ce dialogue qui ne fait pas le consensus en Kabylie, bredouilles. C'est-à-dire, une main devant et une main derrière. Alors, quelle réponse donner à Ouyahia ? Le débat est ouvert. Y. A.