Le professeur Mohand Issad à Liberté “Nous nous sommes tus depuis trop longtemps” Le célèbre juriste revient dans cet entretien sur l'intérêt et l'importance des assises des états généraux des républicains démocrates tenues, jeudi dernier, à Sidi-Fredj. Liberté : Vous avez pris part, jeudi dernier, aux états généraux des démocrates républicains. Peut-on en connaître les raisons ? Pr Mohand Issad : La première raison est que je répondais à une invitation. La deuxième est expliquée par la première ; j'ai retrouvé beaucoup de mes amis avec qui nous cheminons sur la voie républicaine depuis une vingtaine d'années. J'ajoute que le nombre de gens que j'y ai trouvé me conforte dans l'idée que les républicains et les démocrates sont nombreux dans notre pays, même s'ils n'étaient pas tous à ce rendez-vous. De telles rencontres ne peuvent être que bénéfiques pour le pays et pour les buts que l'Algérie s'est fixés depuis au moins le 5 octobre 1988, c'est-à-dire, la démocratie et l'état de droit. Quel a été votre sentiment après avoir participé à cette initiative ? Bien entendu, de telles rencontres qui permettent aux militants des droits de l'Homme de se retrouver, ne peuvent être qu'approuvées et encouragées. J'espère que le débat entre Algériens prévaudra sur tout autre moyen. L'initiative des états généraux des démocrates républicains est-elle porteuse d'espoir pour le pays, selon vous ? Il serait malheureux qu'un peuple qui lutte depuis des décennies n'atteigne pas les objectifs qui sont ceux de la démocratie, des libertés, de la légalité et de toutes celles qu'on appelle, aujourd'hui, les valeurs universelles. En quoi la démarche des démocrates républicains est-elle intéressante pour le pays ? Parce qu'il y a débat, les Algériens exposent leurs problèmes, car nous nous sommes tus depuis longtemps. Ce n'est pas en nous taisant que nous réglerons nos problèmes. Les grands pays sont ceux où l'on s'exprime. Les pays dont les régimes ont fini par tomber, sont ceux où les peuples n'ont pas pu s'exprimer. Regardez autour de vous, vous constaterez que les pays à problèmes sont ceux où les populations ne participent pas à la chose publique. Pensez-vous qu'il est utile que les citoyens s'impliquent dans l'initiative des démocrates républicains ? Bien entendu. Les pays qui vivent et qui progressent, sont ceux dont les peuples prennent en charge leur destin. Des observateurs ont relevé ce qu'ils appellent la défection de personnes connues du courant démocratique. Quel est votre sentiment là-dessus ? Tous les démocrates algériens ne peuvent pas se retrouver dans une seule salle. Heureusement qu'en plus de ceux que vous avez vus à l'hôtel Riadh de Sidi-Fredj, l'Algérie compte de nombreux démocrates. J'aurais été profondément déprimé si j'avais constaté que tout ce que l'Algérie compte de démocrates tienne dans une seule salle. Quel impact pourraient avoir ces absences sur l'avenir de cette initiative ? Si l'avenir républicain de l'Algérie tenait à la présence ou à l'absence de quelqu'un, cet avenir serait bien sombre. Je ne vois pas pourquoi on retiendrait plutôt ce qui n'a pas été dit, ou ceux qu'on n'a pas vus, plutôt que ce qu'on a entendu et ceux qu'on a vus. C'est une manie bien de chez nous de mettre l'accent sur les non-dits et sur les absents. Ceci dit, cette initiative des démocrates républicains pourrait en entraîner bien d'autres, et le débat serait alors enrichi. N. M.