La scandaleuse expulsion d'algériens détenteurs de visas Schengen de l'aéroport de Frankfurt en Allemagne pose une nouvelle fois la problématique de la libre circulation des personnes entre les pays du sud de la méditerranée et l'Union européenne. La crise financière qui frappe de plein fouet le vieux continent et l'émergence des mouvements d'extrême droite un peu partout en Europe ont pesé dans les débats sur l'immigration et sa limitation drastique par certains Etats de l'union. D'autres pays ont carrément rétabli le contrôle aux frontières mettant un frein à la liberté de circulation dans l'espace Schengen. Désormais, un visa ne signifie pas automatiquement le droit d'entrer en territoire européen et les allemands viennent de le démontrer de façon scandaleuse portant ainsi atteinte à la dignité humaine de voyageurs algériens détenteurs du fameux sésame et qui ont probablement passé les heures les plus pénibles de leurs vie. On savait que, jusque-là, des “pafistes” posaient toutes sortes de questions notamment sur le niveau de ressources dont le voyageur disposait, son lieu d'hébergement ainsi que son billet de retour. Des questions de routine qui frisent souvent le véritable interrogatoire. Mais de là à les traiter comme des criminels ; il y a des limites que ni les règles diplomatiques et encore moins la dignité ne peuvent tolérer. Il est vrai qu'après le flux migratoire inattendu survenu au lendemain de la révolution tunisienne en direction des côtes italiennes, Rome avait délivré des visas de circulation de 6 mois pour des considérations humanitaires. Mais cette mesure a été très mal accueillie à Berlin et à Paris qui avaient lancé le débat sur le visa Schengen avec cette question qui remet en cause 50 ans de construction européenne : faut-il garder Schengen ? Dans cette configuration faite de crise financière et de pressions électoralistes, des pays ont décidé d'agir seuls en donnant des instructions pour humilier et décourager à l'avenir les demandeurs de visa. Il est inadmissible que de telles bavures soient passées sous silence comme il ne serait pas toléré qu'elles se reproduisent à l'avenir ou que des explications du genre “incidents isolés” soient acceptées par l'Algérie. En même temps, il s'agit de savoir si notre représentation diplomatique à Berlin a été informée de cet incident grave par les autorités allemandes. Dans le cas contraire, Berlin aurait agi avec mépris à l'égard d'un pays qui compte pourtant dans le bassin méditerranéen. À moins que les allemands partagent la même conception que leurs voisins, à savoir que la libre circulation des biens et des personnes ne soit devenue réellement qu'un leurre. S T