Fini la lutte classique contre les narcotrafiquants et les contrebandiers affiliés aux terroristes, les Groupements des gardes frontières (GGF) passent à une lutte armée, du fait que les convoyeurs ne reculent devant rien. Dans ces sentiers impossibles, ces reliefs hostiles et austères où subsiste cette flore ravagée par un soleil de plomb, les sentinelles du Sahara veillent sur ces zones sensibles, dites de souveraineté. La température affiche 42 C° quand nous quittons la capitale de la Saoura vers Boudjegag, à 10 km du premier village marocain. C'est ici que le général Leclerc, chef de la première division blindée de l'armée française, est mort, en compagnie de cinq autres généraux et de leurs colonels, dans le crash d'un avion en provenance du Maroc. Sur ce terrain où l'âme humaine succombe aux méandres du désert, mais aussi à ses charmes et ses secrets, une section de gardes frontières devra intervenir d'un moment à l'autre pour tenter d'identifier un colis suspect et abandonné par des individus qui auraient pris la fuite. Le 3e commandement régional de la GN, que dirige le colonel Abdelmadjid Benbouzid, est informé en temps réel. Celui-ci instruira d'emblée la division chargée des GGF que commande le colonel Derfouf. Aux environs de 14h, la section du 91e escadron, relevant du 9e GGF, débarque sur les lieux. Par mesure de sécurité, on nous conseillera de suivre l'opération de loin. Le paquet découvert est soumis à l'explosion, les troupes armées passent au peigne fin les alentours. Effet de surprise, après une centaine de mètres, les GGF sont accrochés par un groupe armé. Un gendarme sera légèrement touché. L'accrochage durera près d'une demi-heure avant que le groupe terroriste, composé de sept individus, ne soit neutralisé. Les terroristes sont capturés vivants. Or, cet accrochage n'est finalement qu'une diversion pour gagner du temps afin que les convoyeurs de cannabis, en provenance du Maroc et munis d'armes lourdes, passent cette zone hautement sécurisée. C'est alors qu'un renfort de GGF, installés à 3 km de cette piste aride, intervient et intercepte les narcotrafiquants. Sur ce tracé sensible depuis toujours, connu pour être un couloir d'acheminement d'armes et de drogue, 1,5 t de cannabis a été intercepté depuis janvier dernier. “C'est devenu un rituel depuis que nous avons installé de nouveaux postes d'observation et des postes avancés. Les narcotrafiquants recourent à la grosse artillerie pour transgresser le territoire algérien. Depuis deux ans, nous avons, nous aussi, changé de méthode dans l'intérêt de notre pays. Nous avons alors décidé de passer la vitesse supérieure”, révélera M. Benbouzid. C'est ainsi que 17 escadrons, 56 postes de surveillance, 12 postes avancés et 4 miradors ont été érigés sur des hauteurs à même de surplomber la grande Saoura. Le patron du 3e CR entrera ensuite en communication avec les unités de Timiaouine, dernier poste avancé à la frontière algéro-malienne, pour prendre la température. R.A.S. Ce genre d'opérations et d'exercice sont monnaie courante à Béchar, classée zone opérationnelle par excellence. Raison pour laquelle le 3e CR coopère essentiellement avec l'Armée nationale populaire pour mener les grandes opérations. Le renseignement et la télésurveillance pour anticiper Réparti sur trois grandes wilayas, le 3e CR Béchar, Adar et Tindouf, soit le tiers de la superficie de l'Algérie, avec 2850 km de frontières et près de 5000 km de réseau routier. Entourée par la RASD, le Maroc, la Mauritanie et le Mali, véritables foyers de tension, cette zone est alors exposée au risque permanent, même si aujourd'hui cette menace est moins ressentie par les moyens de transmission sophistiqués adaptés à la mission des GGF, le renseignement et la télésurveillance. En ce sens la particularité de Béchar a imposé d'autres moyens comme la géolocalisation et le recours au fichier national des narcotrafiquants et des personnes recherchées pour soutien au terrorisme, trafic d'armes et toute autre forme de crime transnational. La formation continue et l'adaptation des luttes contre ces fléaux qui empoisonnent l'Algérie a porté ses fruits. Pour preuve, il y a quelques jours, suite à un renseignement précieux, les GGF du poste avancé de Abadla ont réussi à mettre la main sur un groupe de narcotrafiquants, dont un baron. Profitant du Clasico qui avait opposé le Real de Madrid au FC Barcelone, ce gang a tenté d'introduite du kif traité. Suite à cette arrestation, les gendarmes ont opéré cinq perquisitions de domicile avant de découvrir le pot aux roses. C'est que les barons du Rif marocain monnaient jusqu'à 100 millions pour faire fonctionner ce réseau de convoyeurs, principalement constitués de 74 Marocains arrêtés, selon les dernières données. D'ailleurs avant cette opération, les GGF ont également réussi à localiser un champ de culture à Cherouine où 204 plants de pavot ont été récupérés. Du reste, les accrochages au moyen d'armes de guerre sont souvent signalés, comme ce fut le cas en janvier dernier avec un groupe de narcotrafiquants. Les arrestations et les saisies parlent d'elles-mêmes, comme les armes, dont 4 kalachnikovs, 7 fusils à pompe et des centaines de munitions de différents calibres. C'est dire l'importance du renforcement des dispositifs et la préparation des GGF au combat armé, car, après tout, la surveillance des frontières n'est pas un conte de fées. Mais un ensemble de sacrifices. Le prochain challenge du 3e étant d'installer très prochainement une section de recherche (SRGN), le 3e CR suit de près l'évolution de la situation, surtout que l'argent de la drogue est souvent blanchi dans l'immobilier, le foncier et le commerce. Au fort de Djanian-Bourezg et le Mont Beni Smir ! Véritable pépinière de gendarmes auxiliaires, environ 700 éléments formés par an, dont certains rejoignent les GGF après six mois de formation, nous marquons une halte au fort de Djanian-Bourezg, un magnifique site bâti par les Français en 1888. Ici, les stagiaires ont droit à une formation de qualité tant qu'ils sont initiés à travailler dans toutes les unités et à s'adapter facilement au terrain. En face, un imposant mont ferme ce décor féerique qui surplombe, de l'autre côté, Ich, un village marocain. La lumière des habitations sont visibles. On a l'impression que la frontière n'est finalement que ce tracé, quasi virtuel, qui sépare deux pays. C'est ici qu'on nous indique cette autre limite administrative entre Nâama et Beni Ounif. Le mont Beni Smir “flirte” réellement avec cette même limite. C'est par là que transitent souvent les narcotrafiquants qui introduisent le kif traité. Souvent, les GGF tombent sur des sacs à dos bourrés de cannabis et abandonnés par les convoyeurs à la vue des services de sécurité. Là aussi, les GGF de Hadjrat Lemguil sont sur le qui-vive. On dirait que les trafiquants de drogue jouent au chat et à la souris. Les postes avancés, en plus des postes d'observation, jalonnent les deux côtés de cette route infinie qui définit le désert. “Il faut savoir que les GGF sont la première ceinture de sécurité du pays. En plus de la surveillance du territoire, ils exercent aussi la mission de défense et de police des frontières et contrôlent tout ce qui y transite. La situation chez nos voisins et les foyers de tension, en plus du trafic de drogue et d'armes nous imposent cette philosophie de développer et de déployer les moyens humains et matériels pour parer à toute tentative malveillante. Et si menace il y a, c'est à nous de l'appréhender à sa juste valeur”, commentera le lieutenant-colonel Abdelhamid Keroud, qui conclura, par ailleurs, que “la surveillance des frontières constitue un axe prioritaire au commandement de la Gendarmerie nationale”. Place aux portes ouvertes de la GN, nous quittons Béchar, capitale touristique du Sud-Ouest algérien. Sur un air de fête. JS Saoura venait d'accéder à la première division de la Ligue professionnelle de football. F. B.