A l'instar d'autres wilayas frontalières avec le Maroc, Béchar, située à environ 1600 km au sud-ouest d'Alger, souffre elle aussi ces dernières années du trafic de drogue. Zeghdou (Béchar) : De notre envoyé spécial La région de la Saoura constituait même la principale plaque tournante de ce trafic en Algérie, à tel point que, durant la décennie noire, sa frontière ouest, qui s'étend sur 600 km, était devenue une véritable passoire, faisant de l'Algérie un pays de transit vers d'autres régions comme l'Europe et le Moyen-Orient, puis de consommation et de production. Qu'en est-t-il aujourd'hui ? La drogue provenant du Maroc continue, certes, à « pourrir » et à souiller l'image du pays. Mais au vu des quantités saisies en 2008 dans cette paisible région qui garde encore les stigmates des dernières intempéries, on serait tenté de dire qu'un coup dur a été porté par la Gendarmerie nationale aux narcotrafiquants. Près de 26 tonnes de drogue ont été récupérées l'année dernière dans différentes localités de la Saoura. Tel est le fruit des offensives que mène la Gendarmerie nationale de Béchar, sous le commandement du colonel Blidi. Le résultat renseigne sur l'efficacité de la stratégie employée par le patron de la Gendarmerie nationale, le général-major Ahmed Bousteila, pour sécuriser totalement les frontières ouest et sud-ouest. La décision d'assurer un déploiement de plus grands moyens, la formation de ressources humaines et l'installation de 150 nouveaux postes frontaliers sur cette bande, autrefois « axe du mal » où sévissaient les narcotrafiquants et autres barrons du crime transfrontalier a été prise. C'est à Tabelbala, Beni Ouenif, Hassi Khebi mais aussi dans d'autres localités de la wilaya de Béchar qu'ont eu lieu ces saisies. Cependant c'est à Zeghdou, où nous nous sommes rendus en cette journée du 5 janvier, qu'a été récupérée par les Groupements de la Gendarmerie nationale (GGF) la plus grande quantité de drogue. 5h 45. Il fait encore nuit en cette matinée glaciale à Béchar lorsque nous prenons le départ vers Zeghdou, à 400 km au sud-ouest de la ville de Saoura. C'est là qu'a eu lieu la dernière – et la plus importante de l'année 2008 – prise de drogue. Pour atteindre cette localité, nous empruntons la RN6 reliant Béchar à Tindouf. Sur notre route, nous croisons de rares véhicules, surtout des poids lourds qui approvisionnent en marchandises les villes du sud du pays. La route est dans un état impeccable et aussi fortement sécurisée. Nous rencontrons d'ailleurs sur notre trajet plusieurs points de contrôle fixes H24 de la Gendarmerie nationale, notamment dans les localités de Taous, Boulaâdham, El Kharet, et ce, jusqu'à Hassi Khebi, à la limite des deux wilayas de l'extrême sud-ouest. En certains endroits, des éléments de l'ANP sont également visibles aux abords de la route. Accompagnés, lors de cette virée sur « l'axe du mal », par l'adjoint du chef d'état-major de la Gendarmerie nationale, le colonel Mimoun, et par le chef de la cellule de communication du commandement de la GN, le colonel Ayoub Abderrahmane, nous arrivons à 9h45 à notre destination, Zeghdou. Nous sommes accueillis par le commandant Bahri Lahbib, commandant du 10e GGF. Ce dernier nous invite à l'accompagner sur les lieux du crime. Les traces des Toyota Station des narcotrafiquants sont encore visibles. C'est là que les éléments de la compagnie des GGF, que commande le capitaine Houar Abdeli, ont récupéré dans la matinée du 9 décembre 2008 – dernière prise de l'année – près de 9 t de drogue et un arsenal de guerre. « C'est là qu'a eu lieu l'accrochage », nous dit notre guide. Les narcotrafiquants choisissent les jours fériés de pleine lune pour tenter d'introduire leur « marchandise ». Mais c'est sans compter sur la vigilance des « soldats » des forces de l'ordre. « On connaît leurs points de passage », dit l'officier qui tente d'expliquer dans les moindres détails comment a eu lieu l'accrochage avec les narcotrafiquants. Les éléments des GGF ont réussi à immobiliser sur les lieux trois véhicules transportant exactement 8, 623 t de kif traité. Au cours d'une opération de recherche, il a été récupéré un fusil mitrailleur FM /PK avec 1470 cartouches, 4 PM/AK avec 16 chargeurs, un téléphone satellitaire Thuraya et un appareil GPS. Comme il a été procédé à l'arrestation de deux narcotrafiquants, un Malien et un Algérien. Le secret de Hassi Khebi dévoilé Le lieu de cet accrochage est situé à près de 80 km de Hassi Khebi. Ceux qui lui ont donné ce nom n'ont certainement pas eu tort, car Hassi Khebi cache bien des choses ! Le fait que ce soit aussi une zone de transit par excellence de la drogue, avec Zeghdou, Hassi Khebi forme un véritable « axe du mal ». L'opération de Zeghdou, s'ajoutant à celle opérée le 20 novembre 2008 à Djebel Ben Tadjine, à 70 km de Tabelbala, a permis la saisie de 4,86 t de kif traité, de 158 cartouches, d'un chargeur pour PM/AK, de 4 fûts de carburant vides et d'une autorisation de circulation en Mauritanie. Le même jour, les éléments des GGF de Hassi Khebi en patrouille dans cette région ont découvert et récupéré trois véhicules de marque Toyota Station abandonnés à 45 km au nord-ouest du cantonnement, ainsi que 4 t de kif traité, 23 cartouches et 5 fûts d'essence de 240 litres. Le 22 novembre, suite à un ratissage effectué par la Gendarmerie nationale dans la même zone, une autre quantité de 52 kg de drogue a été récupérée ainsi qu'un fusil mitrailleur et 269 cartouches. Le trafic de cigarettes a nettement diminué, ces derniers temps, dans la Saoura. Selon le chef d'état-major, le colonel Mimoun, « pour ce genre de trafic, il y a plus de risques que de profit ». Les gains les plus importants sont dans le trafic de la drogue. Un convoyeur qui fait le trajet entre l'Algérie et l'Egypte est payé 120 millions de centimes alors que celui qui effectue les petites distances touche environ 30 millions de centimes. 10h. Nous quittons le lieu de l'accrochage et nous nous dirigeons vers la frontière marocaine. Après une quarantaine de kilomètres de piste poussiéreuse fraîchement réalisée, nous nous arrêtons devant une vieille bâtisse construite au début du siècle dernier. C'est le siège de la 103e compagnie des GGF de Zeghdou. Commandée par le capitaine Houar Abdeli, cette compagnie gère 4 postes avancés. En attendant de bénéficier de deux autres postes, les éléments des GGF de cette compagnie tendent, de jour comme de nuit, des embuscades à Oued Bourtil, Oued El Djer, Oued Ouintouna et Oued Anebdour. Leurs sorties durent parfois jusqu'à une semaine dans ces endroits au pied du Djebel Zeghdou qui surplombe le royaume chérifien. Ce sont les éléments de la 103e compagnie des GGF qui ont participé à l'embuscade du 9 décembre. « Nous effectuons des embuscades et des patrouilles chaque jour et nous assurons 60 km de couverture », nous dit le capitaine. Cela nous renseigne sur la dure mission qu'effectuent les GGF qui livrent une guerre sans merci contre les narcotrafiquants dans la région de la Saoura. Des trafiquants n'hésitent pas à se doter d'armes et de munitions pour faire face au dispositif des GGF et se défendre contre les groupes de bandits armés qui s'adonnent au racket. « C'est vrai qu'il faut avoir un moral d'acier », avoue l'officier. Mais les GGF ont décidé de frapper fort pour redorer l'image d'antan de la Saoura. Le capitaine ne manque pas rassurer : « Je suis bien équipé, je dispose de jumelles, d'un matériel de transmission. Nous avons même des hélicoptères en cas de besoin, ils sont stationnés à Boulaâdham, siège du 10e GGF. » Avec cet arsenal et les soldats des corps de sécurité, la Saoura parviendra dans un avenir proche à endiguer le mal qui l'a longtemps souillée. Arrestation de 31 narcotraficants Le bilan 2008 de la Gendarmerie nationale relatif au trafic de stupéfiants dans la wilaya de Béchar fait ressortir une saisie, jamais égalée dans la région, de près de 26 tonnes de kif traité. Cette drogue représenterait une valeur de 260 millions de dinars. Au terme des différentes opérations effectuées par la gendarmerie de Béchar, 31 trafiquants ont été arrêtés, dont 29 sont actuellement écroués ; parmi eux figurent 3 étrangers. Il est à signaler que les GGF ont, au cours de la même année, récupéré 16 Toyota Station, 2 FM, 4 PM/PK, 2821 cartouches, 2 chargeurs, 1000 litres d'essence, des téléphones portables, dont un téléphone de marque Thuraya et 2 motos.