Six mois avant l'élection présidentielle américaine, Barack Obama entouré d'une cinquantaine de dirigeants venus du monde entier, fait de son sommet de Chicago le plus important depuis la création de l'Otan il y a 63 ans. Aux 28 pays d'Europe et d'Amérique du Nord membres de l'Alliance atlantique, se sont ajoutées des nations d'Asie ou du Moyen-Orient ayant participé à la coalition internationale en Libye. Comment maintenir le rôle de l'Otan menacée par une crise de trésorerie consécutive à la récession qui frappe ses membres, à commencer son chef de file, l'hôte américain de son sommet à Chicago qui s'achève aujourd'hui. La réduction des ambitions de l'organisation Atlantique qui a survécu à la mondialisation a été au centre des négociations des chefs d'Etat ou de gouvernement des 28 pays membres. Outre les questions de financement, les Etats-Unis devaient ouvrir le dossier de l'avenir de l'organisation après le départ en 2014 de toutes les troupes de combat d'Afghanistan. Certes, après la chute du mur de Berlin, l'Otan, créée pour défendre l'Europe de l'Ouest et l'Amérique face au bloc soviétique, a réussi à rebondir, s'imposant comme le gendarme du nouveau monde unipolaire. Elle fut présente dans tous les conflits de plus en plus asymétriques. Elle avait inauguré ses nouvelles missions au cœur de l'Europe, au Kosovo pour terminer en Libye. En outre, elle s'est dotée de nouvelles prérogatives comme ses combats contre le trafic de drogue en Méditerranée, la piraterie au large de la Corne de l'Afrique ou encore la guerre contre le terrorisme. L'Otan s'est même préparée à la guerre de demain, la guerre cybernétique. Et le paradoxe est que cette dernière, bras droit de l'ingérence occidentale par excellence, soit parvenue à monter des opérations réunissant à côté des marines des pays de l'Otan celles de nations comme la Russie, la Géorgie, Israël, voire même de la Chine, sans compter les pays arabes notamment de la rive sud de la Méditerranée. Mais ses opérations ont montré leurs limites comme présentement en Afghanistan où il s'est révélé que la guerre ne peut plus être gagnée par l'Otan, qui a pris le commandement de la force internationale de sécurité dans ce pays (ISAF) en 2003. Mais les Etats-Unis, chef de file de l'organisation, ont réussi à maintenir à leur côtés 22 autres pays, et cette prouesse a duré soixante-trois ans. Chicago a réuni encore une trentaine de pays partenaires sous la houlette du Pentagone pour en faire le plus grand sommet de l'histoire de l'Otan. Les enjeux sont multiples aux yeux du président américain en pleine campagne électorale pour se succéder à lui-même en novembre. Le premier, c'est, bien évidemment, d'organiser le retrait d'Afghanistan du gros des troupes de combat pour qu'il ne tourne pas au fiasco comme ce fut le cas de l'Armée soviétique en février 1989, avant l'implosion de l'URSS. Ce retrait est compliqué et les Américains ont rappelé avant Chicago la notion de sécurité collective : “ensemble dedans, ensemble dehors”. Après les Pays-Bas puis le Canada, le tout nouveau président français François Hollande s'est engagé à accélérer le désengagement français avant la fin 2012, comme promis lors de sa campagne électorale. Ce retrait ne devrait concerner que les troupes de combat laissant sur place des forces de formation de l'armée et de la police afghanes. C'est en fait la stratégie de Washington et pour Obama, à Chicago, ses alliés doivent décider des conditions du maintien après 2014 d'une force d'appui et de formateurs de l'armée afghane ainsi que de son financement. Ce qui est loin d'être gagné. Car cette orientation est menacée aujourd'hui par la crise de l'endettement public en Europe et en Amérique, qui oblige les Etats membres de l'Otan à réduire encore plus rapidement que prévu leurs dépenses militaires. Avant même les derniers soubresauts de la crise grecque, les dépenses des pays européens membres de l'Otan avaient chuté et selon le SG de l'Organisation, le Danois Anders Fogh Rasmussen, les Européens prennent en charge 21 % des dépenses des alliés laissant le reste à la charge des Etats-Unis et du Canada. Une somme qui devrait encore se réduire au moment où les Etats-Unis vont devoir aussi mettre leur défense à la diète après les folies financières en Irak et en Afghanistan. Ce défi budgétaire intervient alors que d'autres puissances économiques et militaires comme le Brésil, la Chine et l'Inde émergent et ne partagent pas forcément les thèses de l'Otan. Ces pays ainsi que la Russie, s'ils n'ont pas empêché l'opération militaire en Libye menée par la France et l'Angleterre avec le soutien de l'Otan et des Etats-Unis, n'y ont pas, non plus, pris part. Sans parler de la Syrie où Russie et Chine ne sont pas prêtes à accepter une quelconque intervention de l'Otan. Washington pense sortir du piège financier en concentrant les forces non plus vers l'Europe mais vers l'Asie, qui est désormais la région “cruciale” aux yeux d'Obama. Pour la première puissance militaire mondiale, il s'agit d'un changement de cap non négligeable. Surtout que les tensions en mer de Chine se font de plus en plus vives. Cependant, les appels des Américains à l'Europe de prendre en charge sa propre défense et celle des territoires voisins, risquent de rester lettre morte. Pour survivre, l'Otan qui a déjà réduit ses propres effectifs, va devoir se résoudre à son tour à une forte cure d'amaigrissement. Obama compte sur les monarchies arabes pour maintenir debout l'Otan au moins pour ses missions en Méditerranée. Outre ces questions, la priorité du sommet sera d'officialiser la première phase du bouclier anti-missile de l'Otan, un ambitieux projet destiné à protéger l'Europe des tirs de missiles tirés du Moyen-Orient, en particulier d'Iran. Cet ambitieux projet, basé sur une technologie américaine, est fortement critiqué par la Russie qui y voit une menace à sa sécurité, ce que récuse l'Otan. D'ailleurs, pour le G8 qui d'est tenu la veille à Camp David, le président russe Vladimir Poutine s'est fait représenter par son Premier ministre, plus accoutumé à Obama et autres membres de l'Otan pour avoir occupé le Kremlin ces quatre dernières années. D. B