Ce qui est certainement un élément grave dans la polémique créée par M. Ahmed Ben Bella, ce sont précisément les détails concernant sa propre personne. Si cela peut intéresser les Algériens, c'est parce que ce monsieur a eu l'honneur de présider aux destinées de leur pays pendant près de trois ans. Dans un entretien, paru hier dans notre confrère Le Matin, il laisse échapper une dose de rancœur à l'encontre de tous ceux qui se sont opposés à “sa” vision arabo-islamique de la glorieuse Révolution. La ligne qu'il a défendue a donc “reposé sur des principes islamiques”. Abane Ramdane ne devait pas se tromper sur l'appartenance et les compétences de M. Ben Bella. Ce dernier confirme son fanatisme nationaliste arabe, ce qui, en substance, mettait directement en danger le cours d'une révolution menée par des Algériens au nom de leur patrie d'abord. Il n'y a, du reste, plus de différence entre le premier président de l'Algérie indépendante et un extrémiste islamiste qui veut s'approprier l'appel du 1er Novembre 1954. M. Ben Bella revient à la charge et accuse Abane et le colonel Omar Ouamrane d'avoir “porté, après le congrès de La Soummam, un grave préjudice à la Révolution”. Remarque : il ne cite que ces deux héros, curieusement issus d'une même région. Le haut commandement de la lutte de libération a dû se rendre à l'évidence : un homme de division est forcément à tenir à l'écart des grandes décisions. Des grandes orientations. Surtout lorsque les compétences ne sont pas avérées. Autre accusation, “le congrès a été un moyen pour négocier une (troisième) voie comme solution qui ne concernait pas l'indépendance”. C'est exactement comme si on reprochait à un homme politique vainqueur d'une compétition électorale de n'avoir pas bâti sa stratégie pour gagner. Le congrès de La Soummam, de l'aveu des révolutionnaires eux-mêmes (Ben Khedda, Aït Ahmed, Yacef Saâdi…), a permis la structuration de la Révolution et le succès de la lutte armée. Abane ne pouvait pas “donner un coup de couteau dans le dos à cette Révolution” ; pas plus que la “plate-forme de La Soummam ne s'est trompée sur toute la ligne” ; pas plus qu'elle n'a “dénaturé les fondements de l'appel du 1erNovembre” ; pas plus que la primauté de l'intérieur sur l'extérieur n'a “semé de discorde dans les rangs des cadres de la Révolution”. Sûr alors que M. Ben Bella “a raté l'occasion de se taire”. Les initiateurs et les penseurs du congrès de La Soummam ont tracé la voie au triomphe de la guerre de Libération. Mais comme toutes les révolutions “mangent leurs meilleurs” hommes, la nôtre n'a pas échappé à la règle. Cela ne veut pas dire qu'il ne reste pas des bons hommes. Et si les agneaux sortaient de leur silence ? L. B.