Des experts sécuritaires estiment que le Nord Mali et plus généralement le Sahel seront le prochain point chaud du globe en matière de terrorisme. Un chef de la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) a entamé des discussions avec le leader du groupe islamiste d'Ansar Dine, jetant des doutes sur l'abandon annoncé plus tôt de leur projet de fusion. Bilal Ag Chérif, secrétaire général du MNLA, et Iyad Ag Ghaly, leader d'Ansar Dine, seraient en pourparlers à Gao pour remettre à jour la fusion annoncée entre les deux mouvements le 26 mai 2012. Le protocole d'accord relatif à cette fusion avait été dénoncé au lendemain même de son accord pour “désaccords sur l'application de la charia que prône Ansar Dine dans tout le Mali, alors que le MNLA se proclame laïc et défend la création d'un Etat dans les limites de la région naturelle de l'Azawad, s'étendant du nord-est au nord-ouest du Mali”, avait déclaré le bureau politique du MNLA. Cette entente avait été rejetée par le gouvernement malien, l'Afrique de l'Ouest, l'UA, les voisins du Mali, l'UE et les Etats unis. Dans le même temps, les islamistes confortaient leur domination sur l'immense nord malien qu'ils contrôlent depuis deux mois d'autant que le MNLA se trouve depuis en proie à des dissidences, une partie de sa composante demeurant favorable à l'accord d'union avec Ansar Dine et son idéologie. En perte de vitesse face à Ansar Dine et Aqmi, le MNLA a vu beaucoup de ses officiers rejoindre récemment les islamistes, selon une source sécuritaire régionale. Les rebelles refusant de se retrouver enfermés dans un projet islamiste sont surtout de l'extérieur, ceux affectés par les protestations de la communauté internationale. Pour autant, la sécularisation de l'islamisme dans le nord du Mali fait craindre l'apparition d'un nouveau bastion de l'islam djihadiste dans un immense territoire où une intervention étrangère semble peu probable et qui constituera une base de propagation pour l'ensemble du Sahel saharien, de la Mauritanie à la Somalie. Ce territoire est déjà considéré par des experts comme un sanctuaire pour les djihadistes. C'est en tout cas la première phase d'un nouvel Afghanistan ou d'une nouvelle Somalie. “Pour moi, ça ne fait aucun doute”, dit Ahmedou Ould-Abdallah, émissaire des Nations unies en Afrique de l'Ouest et en Somalie. En effet, il y est observé un afflux de combattants étrangers et d'une circulation importante d'armes et de fonds. les islamistes peuvent faire transiter à peu près tout ce qu'ils veulent, des armes, des drogues ou des combattants étrangers par les pistes d'atterrissage de Gao, Tombouctou et Tessalit. Pour les experts sécuritaire, pas de doute également : le Nord Mali et plus généralement le Sahel, seront le prochain point chaud du globe en matière de terrorisme. “Il faut éviter, selon la formule du président de l'Union africaine, un Afghanistan africain”. Mais comment faire ? Le chef de l'Etat béninois et président en exercice de l'UA, Thomas Yayi Boni, rappelant que la crise au Mali menace de déstabiliser toute la zone, a plaidé pour une saisine du Conseil de sécurité de l'ONU en vue de la création d'une force militaire africaine d'intervention au Mali. “Le dialogue ne doit pas trop durer”, a-t-il averti, faisant allusion au feuilleton de la Cédéao. Mais, en l'état actuel, une intervention étrangère armée semble peu probable. Les pays voisins sont dans l'ensemble divisés, et une opération soutenue par les Nations unies apparaît impossible, le souvenir de la Somalie en 1993 et de l'Afghanistan est encore trop vivace. La menace n'est plus circonscrite au Nord du Mali, elle pourrait faire tache d'huile avec les nombreux réseaux affiliés à la nébuleuse Al-Qaïda apparus dans la région, parmi lesquels Aqmi, le Mujawa, organisation dont on ne sait pas grand-chose, ou Boko Haram, qui opère au Nigeria. “C'est devenu un endroit tranquille pour les djihadistes de la région”, a dit un responsable américain. Aux 500 combattants du MNLA et d'Ansar Dine qui contrôlent ensemble le nord du Mali, s'ajoutent autant de franchises d'Al-Qaïda mieux armées grâce aux rançons des enlèvements et aux arsenaux dévalisés de Kadhafi. Des observateurs jugeant qu'il est encore possible d'espérer une scission entre Touareg et Ansar Dine, estiment que si une force est envoyée, cela risquerait de jeter les modérés dans les bras des extrémistes. Se basant sur l'observation suivante: si au début, les populations locales n'ont pas vu d'un mauvais œil l'arrivée des islamistes, apportant un semblant d'ordre après trois mois de violences et d'anarchie, désormais, l'hostilité croît à mesure que ces islamistes tentent d'imposer la charia dans un pays où un islam modéré a toujours prévalu. Filles et garçons sont désormais séparés à l'école. Des habitants ont été fouettés pour avoir bu de l'alcool ou fumé des cigarettes. Le mois dernier, des centaines de personnes sont descendues dans la rue à Gao pour protester contre l'interdiction du football et de la télévision. Si l'instauration de la charia n'a pas contribué à la popularité du chef d'Ansar Dine, le Touareg Iyad Ag Ghali, elle lui a permis de se rapprocher d'Aqmi, il s'est même affublé d' un nom de guerre à la mode Al-Qaïda : Abou Fadhil. D. B