La contestation se poursuit toujours à Djelfa. Hier, des centaines de citoyens ont occupé le centre-ville, notamment le siège de l'APC. Dépêchés d'autres wilayas, il y a deux jours, les dizaines d'éléments antiémeutes ont trouvé beaucoup de difficultés à contrôler la foule en colère. Vieux et jeunes, les Djelfaouis, sous un ciel pluvieux, ont crié à l'injustice et à la hogra, suite à l'affichage des listes des bénéficiaires des 902 logements sociaux. Beaucoup d'entre eux ont dénoncé “la corruption et les passe-droits, devenus les règles de gestion au sein de l'APC et de l'administration”. Des hommes et des femmes se bousculent pour tenter d'entrer dans le bureau du maire, mais en vain. “Mon père a été assassiné par des terroristes en 1996. Il a donné sa vie pour le pays, mais aujourd'hui, moi et toute ma famille souffrons de l'indifférence et de l'injustice des autorités”, s'écrie Ahmed, 35 ans. À côté de lui, une vieille femme handicapée, les larmes au yeux, se lamente sur son sort : “Je veux terminer mes jours dignement. Je ne vis qu'avec une petite pension dans un gourbi qui risque de tomber sur moi à n'importe quel instant.” À 10h, la foule, surveillée par les forces de l'ordre, gronde toujours. Des voix s'élèvent, demandant la “tête” du maire, M. Khoudiri Belgacem, dont la gestion est jugée plus “catastrophique” que celle de son prédécesseur. “Le maire n'a rien trouvé de mieux que de signer une motion de soutien à Bouteflika afin de camoufler sa gestion très douteuse”, déclare Hamza, un cadre administratif. Et d'ajouter : “L'administration gangrenée par la corruption ne fait que fermer les yeux sur les agissements de tels responsables. L'exemple du précédent maire est très révélateur. Ce dernier, malgré les malversations supposées rapportées par la presse, a réussi à corrompre tout le monde…” À10h30, le maire décide de quitter le siège de l'APC à bord d'un véhicule de service, sous une impressionnante escorte. Comme pour envenimer un peu plus la situation, le véhicule en question heurte un jeune révolté. Cet incident n'a fait qu'amplifier la colère des citoyens qui insistent pour obtenir une entrevue avec le premier responsable de la commune. Ce dernier sera de retour, en compagnie du P/APW au siège de l'APC, alors que l'adjoint chargé des affaires sociales (un élu du parti islamiste El-Islah) n'a pas donné signe de vie, depuis le début de la contestation. À 14h40, les éléments de la sûreté nationale engagent des négociations avec les insurgés, leur enjoignant de choisir un porte-parole afin de rétablir l'ordre. Pendant ce temps, dans la grande salle de délibérations, le P/APC, dépassé par les évènements, a été “forcé” d'accueillir les représentants des citoyens en présence de plusieurs éléments de la sûreté. Au cours de cette audience “publique”, le P/APC ne s'est pas empêché de faire campagne pour le Président-candidat. “C'est grâce à Bouteflika que vous aurez des logements !”dira-t-il à l'intention de quelques citoyens venus déposer leurs doléances, très gênés par la forte présence des policiers. “Vous nous avez promis d'être relogés avant septembre !”s'est exclamé le représentant du Bloc 40, un des quartiers pauvres de Djelfa. Par ailleurs, il faut noter que depuis, plusieurs édifices publics ont été fermés dans le centre-ville de Djelfa, alors que les camions antiémeutes occupent toujours, au moment où nous mettons sous presse, le boulevard Emir-Abdelkader. Une marche et un sit-in sont programmés afin de dénoncer l'injustice qui règne à Djelfa. L. G.