Résumé : La paix revint dans le ménage de Louisa et Kamel... Chacun d'eux a reconnu ses torts... Du moins Kamel, car Louisa pensait avoir raison sur toute la ligne et voulait qu'il assure sa descendance. Quant à Aïssa, plus les mois passaient, et plus il repoussait le moment de partir au bled pour assister à l'accouchement de sa femme... En fait, il ne voulait pas quitter Monique ! Aïssa embarque enfin, et nous pouvions souffler. Je demande à Kamel l'autorisation de rendre visite à cette Française qui avait fait de mon frère cet être insensible qui ne pensait plus qu'à elle. Je me rendis donc à l'autre bout de la ville, où je n'eus aucun mal à trouver l'adresse de cette femme. Elle me reconnut bien sûr. La cigarette au bout des lèvres, elle me toise de haut, avant de s'effacer pour me céder le passage. L'appartement était à peine meublé : un lit, des vêtements jetés pêle-mêle sur une commode, des bouteilles de vin et des paquets de cigarettes jonchaient le sol. Monique me fait signe de m'asseoir sur le lit, et se met près de moi en rejetant un nuage de fumée que je balayais d'une main rageuse. Cette femme savait vous saper le moral au premier coup d'œil. Elle avait deviné les raisons de ma visite et s'en délectait. Elle savait qu'elle pouvait manipuler Aïssa et faire de lui ce qu'elle voulait. Elle me regarde un moment sans rien dire. Puis ébauche un sourire qui dévoile quelque prémolaire en moins : - Tu es Louisa. On s'est déjà rencontré une fois... Je ne me rappelle plus où exactement... - à l'entrée d'une grande surface... - Ah oui ! Cela me revient... J'étais avec ton frère Aïssa... Il est parti au bled... hein... ? Vous l'avez poussé à partir vous autres... Il n'était pas vraiment emballé. Je redresse la tête et lance : - Il devrait se réjouir d'être bientôt papa, et ne pas perdre son temps en votre compagnie. Elle hoche la tête : - C'est ce que je ne cesse de lui répéter, mais il ne m'écoute pas... Je lui ai même suggéré de l'accompagner... Elle se met à rire : - Tu imagines un peu ma petite... Un homme qui débarque au bled avec une femme pour assister une autre dans son accouchement... Ah...Ah...Ah... Laisse-moi donc rire... Deux femmes qui se disputent un homme au moment où toute la famille attend un grand événement. Oh... Ah...Ah...Ah... Laisse-moi donc rire, j'ai oublié que l'autre gourde ne se doute même pas de mon existence... Heureusement que la polygamie n'existe pas en France. Je me lève d'un bond : - Tu sais bien que mon frère s'est marié... Pourquoi t'entêtes-tu donc à lui coller à la peau, alors que la polygamie n'existe pas chez vous. Elle s'arrête de rire : - Mais je n'en ai que faire moi. Ton frère ne veut pas me quitter. Et puis, si quelqu'un devrait se plaindre de cette situation c'est bien moi... Lorsqu'on s'est connus, Aïssa et moi, il n'était pas marié... C'est vous autres qui avaient monté tout ce scénario pour l'éloigner de moi... Hélas ! Vous avez échoué tous... Aïssa est revenu vers moi... - Et si jamais il ne revient pas du bled cette fois-ci... ? Elle me regarde dans les yeux : - Je donnerais ma main à couper... Aïssa ne tardera pas à rentrer et à revenir comme un esclave fidèle envers son maître... Donne-lui juste le temps de voir son rejeton... Enfin... S'il reste le temps qu'il faut pour cela ! Elle hausse les épaules : - à mon âge, je n'ai plus rien à perdre, lui ou un autre, cela m'est bien égal... Mais Aïssa me plaît... Il est beau, jeune, docile, charmant... J'avoue que je suis comblée...Elle se retourne vers moi et m'indique la porte : - Dehors Louisa... Ne reviens plus m'embêter... J'ai été gentille, je t'ai reçue chez moi, alors ne m'importunes pas davantage. Je ne pouvais me retenir devant tant d'arrogance ! Lui sautant au cou, je la fais tomber d'un coup de pied dans le tibia, avant de la saisir par les cheveux et de la traîner par terre. Plus elle criait, plus elle recevait des coups. Quand je me relève, Monique gisait inconsciente à mes pieds... Une touffe de ses cheveux rêches et colorés était restée dans ma main, et je m'en débarrassais vivement d'un geste, avant de saisir mon sac et de quitter les lieux... J'étais hors de moi... Je ne savais plus ni où me diriger, ni quelle direction prendre pour rentrer... N'en pouvant plus, je m‘assois sur un banc au bord d'un petit lac et me mets à pleurer à chaudes larmes. Aïssa nous a traînés dans la boue. Nous deviendrons bientôt la risée de tout le village, si jamais un seul des émigrés qui nous connaissent découvre le pot aux roses. Certes, beaucoup d'entre eux vivaient maritalement avec des Européennes, mais du moins ils avaient pris des femmes jeunes, assez belles et mêmes aisées... On les enviait plutôt... Aïssa par contre s'était fait rouler dans la farine... Il remettait ses économies et ses revenus à cette vieille carcasse, qui savait l'embobiner... Tassadite, si jeune, si fraîche, n'était pas arrivée à lui faire oublier cette sorcière... Il finira mal mon frère, me dis-je en me levant enfin pour me diriger vers la station de bus. (À suivre) Y. H.