La disparition, à l'âge de 73 ans, de Abderrezak Fakhardji avait provoqué une très grande émotion. Particulièrement à Tizi Ouzou où son disciple Amar Driss avait jeté les bases d'une véritable école de musique classique algéroise. Recevant le mobile du grand maître au Conservatoire d'Alger, l'élève a su, dans sa Kabylie natale, relever un véritable défi. Au Palais de la culture, j'ai été particulièrement fier de la prestation de l'association El Amraouïa de Tizi-Ouzou. Par sa rigueur dans l'exécution instrumentale et la qualité exceptionnelle de ses solistes comme par son désir de témoigner une reconnaissance appuyée à un maître qui a consacré le meilleur de lui-même à la noble tâche de sauvegarder, de propager et de défendre l'une des expressions vivantes de notre culture nationale. Particulièrement fier mais pas surpris par cette performance, je persiste dans mes appréciations dithyrambiques, comblé d'aise que je suis par la confirmation qui m'est parvenue du Festival de Blida où les enfants des classes d'initiation d'El Amraouïa ont, à l'image de leurs aînés, ravi la vedette à de nombreuses sociétés musicales de l'école d'Alger. Comme quoi, l'existence d'une association de musique classique algéroise à Tizi Ouzou est loin d'être insolite. Des relations privilégiées ont toujours existé entre la médina d'Alger et cette ville qui a toujours été réceptive aux actions artistiques et culturelles initiées très tôt par Mahieddine Bachtarzi grâce au Théâtre populaire. Des concerts de musique citadine ont régulièrement égayé la vie culturelle de cette ville qui reçut en 1928 Cheikh Larbi Bensari, le grand maître du patrimoine musicale de l'ancienne capitale des Zianides.. Que ce soit au Conservatoire central d'Alger, à la société musicale Al-Djazaïria Al-Mossilia ou, au début des années 80, à la société musicale Al-Fakhardjia dont il présidait aux destinées jusqu'à sa mort, Abderrezak Fakhardji aura dispensé, à profusion, sans rien conserver par-devers lui, tout ce qu'il avait acquis lui-même, assurant ainsi une tradition continue auprès de ses élèves. Il est rare, dira à son propos Ahmed Seri, de trouver un professeur qui, tout au long de sa vie artistique menée parallèlement avec celle de fonctionnaire, ait accompli avec autant de foi, de conscience, de dévouement et d'abnégation, un travail de l'importance du sien. Certes Abderrezak Fakhardji nous a quittés le 12 janvier 1984 mais la culture de l'oubli à laquelle il avait été confronté n'aura pas eu raison de ses ambitions allant dans le sens de la généralisation de l'enseignement et de la propagation de la musique classique algéroise. À ce titre il aura fait en sorte, telle une balise dans la tempête, semblable à un repère indestructible, que ses disciples demeurent les gardiens vigilants de notre patrimoine. A. M. [email protected]