La Douma russe a adopté en première lecture un projet de loi qui qualifie d'“agents de l'étranger" et place sous contrôle les ONG ayant un financement étranger et une activité politique. Une nouvelle initiative liberticide dénoncée comme un nouveau pas pour écarter toute opposition et toute critique en Russie. Le texte est présenté par le parti au pouvoir Russie unie et a été adopté par une majorité écrasante de 323 voix contre quatre, avec une abstention par la chambre basse du Parlement russe. Russie unie bénéficie de la majorité absolue avec 238 sièges sur 450 à la Douma, et le Parti communiste, opposé au Kremlin mais non moins opposé à toute “ingérence" occidentale, cible inscrite dans la loi, ainsi que le Parti libéral-démocrate, populiste ont également approuvé le texte qui prévoit un enregistrement séparé des ONG bénéficiant de financement étranger et participant à une activité politique sur le territoire russe. Il prévoit que celles-ci doivent s'afficher comme “agents de l'étranger" dans toute communication ou activité publique et les contraint à un contrôle financier très strict sous peine d'amende d'un million de roubles (25 000 euros) et de quatre ans de prison. Cette loi s'inscrit dans la ligne fixée par le président Vladimir Poutine, qui a accusé, ces derniers mois, les dirigeants de l'opposition et des ONG qui avaient dénoncé des fraudes électorales aux législatives de décembre 2011 d'œuvrer dans l'intérêt de puissances étrangères, plus précisément des états-Unis. La nouvelle loi s'ajoute à la multiplication des pressions, poursuites judiciaires, perquisitions et interrogatoires, dénoncés par les représentants de l'opposition depuis le retour de Poutine au Kremlin le 7 mai dernier. Une source au Kremlin citée par l'agence publique Ria Novosti a affirmé que la loi toucherait non seulement des organisations de contrôle électoral mais aussi de lutte contre la corruption, comme l'antenne russe de Transparency International, et des organisations écologistes. Les organisations de défense des droits de l'homme et des libertés se sont elles aussi clairement senties visées, et ont dénoncé un texte ayant pour but de débarrasser la Russie des ONG les plus gênantes. Ce texte permettra, par une application arbitraire, de harceler toute ONG déplaisant au pouvoir, ont écrit dans une lettre ouverte des défenseurs des libertés dont Lioudmila Alexeeva, présidente du groupe Helsinki de Moscou. Cette nouvelle loi place, selon eux, la Russie sur le même plan que le Bélarus, le Turkménistan ou la Corée du Nord. Des militants du parti d'opposition libérale Iabloko ont manifesté vendredi devant la Douma, avec une banderole dénonçant “un pas vers un état fasciste". La loi, selon les constitutionnalistes, viole la Constitution russe, entre en contradiction avec le Code civil, contredit la loi sur les partis politiques, les principes des droits européen et russe. D. B.