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Louisa 70e partie
Publié dans Liberté le 11 - 07 - 2012

RESUME : Louisa revint chez elle où l'attendait sa belle sœur. Cette dernière était très inquiète et lui avoua ses appréhensions. Aïssa, son mari, ne donnait plus signe de vie. Que deviendrait-elle avec ses trois enfants si elle aussi les quittait. Louisa lui parla d'Eric... cet officier français qui l'avait relâchée...
Tassadite secoue encore sa tête :
-Ne me fais pas marcher Louisa. Les Roumis ne sont pas des saints. Ils sont diaboliques et sans cœur.
-Tous les êtres humains se ressemblent dans leur haine, leur bonté et leurs sentiments. Ces Roumis sont diaboliques certes... Ces militaires exécutent les ordres de leurs supérieurs. Leur a-t-on demandé un jour leur avis ? Non, bien sûr. Ces soldats se plient devant la hargne de ceux qui militent pour leurs idées et imposent leur dictature. Nous sommes tous les dindons de la farce. Nous sommes les victimes des adeptes de la guerre et de l'effusion du sang...
-Ce soldat t'a peut-être relâchée pour t'épier davantage... Tu es cette piste qui va le mener vers les autres et...
-Non, Tassadite... Cet homme est au courant de tout. Il... il m'a relâchée pour d'autres raisons... Nous nous sommes simultanément compris... Il a tenté de me persuader de quitter ce village où je suis en danger mais j'ai refusé. Lui, par contre, va rentrer en France.
-Tu as peut-être eu de la chance cette fois-ci... Mais ce n'est pas tous les jours la fête. Les autres pourront encore rappliquer...
-Je sais, Tassadite... Mais ne t'inquiète pas... Dieu est grand. Lui seul saura nous protéger des affres de cette guerre.
Quelques jours passent. Les frères combattants continuaient de venir se soigner et se refugier dans le sous-sol de la maison de mes beaux-parents. Je tentais par tous les moyens de leur venir en aide et d'atténuer leurs souffrances. Les dirigeants avaient eu écho de mon arrestation et vinrent demander de mes nouvelles. Je les rassurais sur mon état. L'interrogatoire dont on leur avait parlé ne les concernait pas, répondis-je. Au quartier général, on m'avait juste parlé de notre village... On voulait savoir si parfois les gens recevaient des étrangers...
Je gardais un air serein et calme en débitant ces paroles... mais au fond de moi, je savais pertinemment qu'on ne me croyait pas. Les frères étaient au courant de tout... Ils savaient qu'on n'arrêtait pas une personne juste pour une causette. Mais, voyant que je ne voulais pas trop en parler, ils n'allèrent pas plus loin... Evidemment eux aussi savaient que si j'avais des choses à leur révéler, je n'aurais pas hésité.
Tassadite préparait tous les jours des dizaines de galettes et de la nourriture. Moi, je m'occupais de la traite des vaches et du ramassage des œufs dans la basse-cour. Un moyen pour moi de surveiller les va-et-vient des uns et des autres.
À la nuit tombée, je m'empressais d'aller dans le sous-sol pour ravitailler les moudjahidine et nourrir les blessés qui avaient besoin de reprendre des forces.
Vers le milieu de la nuit, je me hâtais de rentrer chez-moi. Je passais alors par des chemins escarpés, des sentiers ou des ruelles que je contournais, alors que je n'avais qu'à traverser un terrain plat en quelques minutes pour atterrir à la maison.
La prudence en valait la peine... Si quelqu'un me rencontrait, il penserait tout bonnement que je revenais d'une visite tardive. Beaucoup savaient qu'on faisait appel à mes services pour assister des femmes en couche ou soigner un malade. Mes "promenades" nocturnes n'étaient pas une nouveauté dans le village.
Un jour, alors que j'étais dans la cour, une camionnette militaire s'arrête devant la maison et un homme en descendit.
Je relève les yeux pour reconnaitre Eric. Il portait toujours sa tenue militaire mais n'avait pas l'air triste et affligé de la dernière fois.
Je mets une main au dessus de mes yeux pour me protéger du soleil et distinguer plus nettement cette forme qui s'approchait de moi.
Sans un mot, Eric me prend fermement par le bras et m'entraîne vers la maison. Tassadite était absente, et je me retrouvais seule avec cet homme qui ne m'effrayait pas, certes, mais qui m'intriguait par son comportement.
Il referme la porte par un coup de pied et me prend par les épaules :
- Tu excuseras mon comportement Louisa... mais je ne veux pas que les autres apprennent quelques chose sur nous. Je viens plutôt en ami... (il sourit). Je te fais peur ?
Je secoue ma tête :
- Non... je suis juste surprise.
Il toussote :
- Surprise de recevoir un ami ?
Il se met à rire :
- Louisa... Tu me vois navré de me conduire de la sorte, mais entre amis, on peut se comprendre n'est-ce-pas ?
- Que veux-tu de moi Eric ?
Il retire sa casquette et s'incline devant moi :
- Juste te rendre hommage pour ton courage et ta bravoure, et te remercier pour tes prédictions. Je rentre en France demain Louisa. Je tenais à te revoir et à te remercier avant de quitter ce village.
Je demeure silencieuse un moment. Cet homme est enfin délivré de ses soucis. Du moins, il n'aura plus à affronter les détenus, et à vivre dans un pays en pleine guerre.
- Tu ne dis rien, Louisa ? Tu ne veux pas de mes adieux ?
Je pousse un soupir :
- Je suis heureuse pour toi, Eric. Enfin ! tu quittes définitivement le quartier général.
- Oui... Heu... mais je ne quitte pas l'armée... Même là-bas, à Paris, je serais muté dans une caserne.
- Mais tu seras près des tiens... Et puis, c'est différent là-bas... Tu n'auras plus à affronter des suspects ou à procéder à des interrogatoires.
(À suivre)
Y. H.


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