Deux événements ont poussé à la rédaction de cette contribution : la publication des statistiques sur l'évolution de la population en 2011 et le dernier rapport de la Banque d'Algérie. Au-delà du cours des hydrocarbures, les problèmes réels sont surtout : 1 – Le faible niveau de la production algérienne d'hydrocarbures, en comparaison avec celui d'autres pays, y compris africains ; et l'absence de nouvelles découvertes significatives d'huile ou de gaz. Une découverte significative, étant une découverte qui permette de remplacer les pompages effectués, et également l'utilisation qui est faite de ces ressources. 2 – L'accroissement de la population nationale l'année dernière a été de plus de 700 000 âmes (plus de 900 000 naissances en 2011). Ce taux de naissances, bien qu'il produise un bonheur immense aux familles récipiendaires, n'en est pas moins porteur de risques pour la stabilité du pays dans le futur, car à ces nouvelles populations, il faudra apporter la couverture sanitaire, en assurer l'éducation et la formation, assurer l'alimentation, assurer un poste d'emploi et enfin leur donner les moyens de pouvoir fonder une famille. 900 000 naissances aujourd'hui, c'est autant de places à l'école primaire dans 6 ans. Ce sont des postes d'emplois à créer en temps voulu, ce sont des logements à construire, toute une prospective à étudier. Il s'agit de mettre en place des mesures hardies, pas seulement pour les naissances de 2011 mais pour toutes celles passées et à venir afin de leur assurer une vie décente. Ce chiffre de 900 000 naissances est simplement à la hauteur des défis qui nous font face et dont il faut non seulement prendre conscience, mais qu'il faudra relever, car nous n'avons pas le choix : l'avenir du devenir de notre pays en dépend ! 2-1. Pour ces nouveaux logements, ces nouveaux ensembles urbains, faudra-t-il nous orienter vers la construction de nouvelles villes ? De quelles dimensions ? Où ? Autour de quels pôles économiques ? Comment en assurer l'alimentation en eau, en énergie et en denrées alimentaires. Si oui, il faudra en déterminer les pôles économiques (qui doivent utiliser des matières premières locales) qui seront au cœur de l'activité de ces nouveaux ensembles, et faire en sorte que la qualité de la vie y soit suffisamment attractive pour susciter des envies de migration internes. En tout cas, ce ne sera certainement pas au nord du pays ni dans les hauts plateaux. 3 – L'absence de schémas structurants de l'économie, sur les directions que doit prendre notre économie à moyen et long termes. 3-1. Notre économie, pour ses ressources en devises, doit-elle continuer à exporter seulement de l'énergie et d'autres matières premières ? 3-1-1. Exporter du gaz et importer de l'urée est-il raisonnable ? 3-1-2. Exporter du gaz et importer du ciment est-il logique, lorsqu'on dispose de tous les composants pour sa fabrication ? 3-1-3. Exporter du pétrole brut et importer du carburant et des produits pétrochimiques n'est-il pas un non-sens économique quand on dispose de ressources financières suffisantes pour financer et les raffineries et les usines pétrochimiques ? 3-2. Avons-nous initié des projets de transformation de ces matières premières ? 3-3. Devons-nous continuer à espérer une pluviométrie favorable pour atteindre un taux de rendement moyen de 17q/ha pour les cultures céréalières ? Taux encore insuffisant pour couvrir les besoins nationaux ! Pourquoi le fellah est-il obligé de faire la queue pendant au moins trois jours avant de livrer sa production aux différents docks. Pourquoi doit-il attendre des semaines avant de voir sa livraison payée. Les engrais et les semences sont-ils mis à la disposition des fellahs à temps ? Le taux de rendement de l'hectare cultivé de tomate industrielle est-il structurellement condamné à être inférieur à celui des autres pays de la Méditerranée. Comment y remédier ? 3-4. Sommes-nous condamnés à continuer à importer le lait ? 3-4-1. Pourquoi est imposée, donc pénalisée, la production industrielle d'œufs et de viandes blanches ? à partir d'une certaine quantité, le producteur est assujetti soit à l'IBS, si c'est une société de capitaux, soit à l'IRG si c'est une entreprise individuelle. 3-5. L'importation de ciment pour combler le déficit de notre production nationale est-elle une fatalité ? Qu'en sera-t-il à moyen et à long termes ? Deux millions de tonnes représentent une facture d'environ 200 millions de dollars ; une usine de ciment d'un million de tonnes par an coûte aujourd'hui à peu près 200 millions de dollars (valeur par excès). N'aurait-il pas été plus raisonnable de mettre en place de nouvelles capacités de production, et pas seulement avec des financements publics, par exemple à travers la bourse et l'épargne des particuliers ? 3 6. Nous sommes-nous posé la question de savoir pourquoi les investissements dans ce domaine sont aussi faibles et aussi peu productifs ? De façon plus générale, notre législation et nos procédures sont-elles adaptées pour que notre pays soit attrayant aux yeux des investisseurs étrangers ? 3-7. Ces mêmes investisseurs sont-ils une nécessité ? Si oui, peuvent-ils toujours investir dans tous les domaines, ou faudrait-il cibler les domaines ouverts à l'investissement étranger ? Avons-nous suffisamment valorisé l'accord d'association avec l'UE ? 3-7-1. Les dividendes (de ces investisseurs) doivent-ils être exportés en ponctionnant sur les recettes de nos exportations d'hydrocarbures, ou uniquement sur les exportations réalisées par ces investissements ? 3-7-2. Certains secteurs ne devraient-ils pas être prioritairement favorisés ? 3-8. Devons-nous continuer à voir nos compatriotes par centaines de milliers partir en vacances en Tunisie et en Turquie, parce que les ressources touristiques de notre pays sont encore méconnues et inexploitées ? 3-9. Quel type de tourisme devons nous promouvoir dans notre pays ? Un tourisme de masse, ou autre type de tourisme : élite, culturel, religieux, affaires ? 3-10. Les entreprises algériennes de réalisation sont-elles condamnées à n'être que des sous-traitants pour les entreprises étrangères ? Ne serait-il pas réaliste de leur financer les équipements qui leur permettraient de se mesurer à leurs compétiteurs, et ce, au moins sur notre marché ? 3-11. Est-il inconcevable que les représentants des entreprises algériennes participent à l'élaboration des cahiers des charges, pour les marchés publics, en tenant compte des spécificités de notre marché, de nos entreprises, de nos produits ? 3-12. La formation des compétences nationales doit-elle rester académique ou doit-elle se rapprocher des besoins des entreprises ? Combien d'entreprises font appel à l'université pour lancer des programmes de recherche communs ? Combien d'ingénieurs sont opérationnels depuis leur graduation, et ce, quel qu'ait été leur secteur de formation ? Combien de laboratoires de recherche ont leurs travaux axés sur la recherche développement ? 3-13. S'il faut reconnaître que les dernières mesures initiées par la tripartie, au profit des entreprises de production, sont courageuses, hardies, porteuses d'espoirs et créatrices d'emplois, ne faudrait-il pas encore aller plus loin dans l'encouragement de l'acte d'entreprendre par la mise sur les rails des mesures préconisées par le Forum des chefs d'entreprises, par le payement de la TVA à la vente du produit fini et non pas au dédouanement des matières premières et demi-produits, réduire le taux d'intérêt des obligations cautionnées en douanes de 5% au taux directeur de la Banque d'Algérie (BA) et le taux appliqué aux pénalités de retard de 25% au même taux directeur de la BA ? 3-14. L'entrée de notre pays en 2009 dans la zone arabe de libre-échange a montré l'extrême vulnérabilité de nos entreprises de production, qui se sont retrouvées, sur leur propre marché, en position de faiblesse par rapport à la concurrence des pays arabes, car ces derniers ont des taux de droits de douane très faibles de 1 à 1,5% sur les inputs, alors que le minimum pour les nôtres était de 5% pour les matières premières et de 15% pour certains demi-produits. Ne faudrait-il pas que nos entreprises aient les mêmes armes pour se battre, au moins sur leur propre marché ? 3-15. La lutte contre le marché informel, sans être répressive, ne passe-telle pas par une vulgarisation de la carte de payement magnétique et de la mise en place de terminaux de payement électronique dans tous les commerces de détail ? Ce sont ces réflexions et ce questionnement qui se sont imposés à la lecture des informations citées plus haut. Les réponses à ces interrogations, sans être exhaustives, sont d'importance pour le futur. Une indépendance vis-à-vis des ressources en hydrocarbures ne se décrète pas, elle se construit, jour après jour, secteur par secteur, procédure par procédure... - Elle est la responsabilité de tout le monde, principalement des élites politiques, économiques et universitaires. L'indépendance nationale, quant à elle, est la responsabilité de l'état qui pourra s'appuyer sur ces mêmes élites qui sont soit à son service en tant qu'accompagnateur du développement, soit en opposition en tant qu'instrument de contrôle et de contre-pouvoir. L'extrême jeunesse de notre population interpelle toutes ces élites, et les réponses apportées aux attentes de cette jeunesse détermineront la direction que prendra l'avenir de notre pays. B. B. (*) Ingénieur d'état, diplômé de l'Ècole nationale polytechnique. Ancien président de la Chambre algérienne de commerce et d'industrie.