Le Sommet de l'Union africaine s'est ouvert hier à Addis-Abeba pour trancher un différend qui empoisonne depuis des mois l'organisation, sur le choix du président de la Commission, son organe-clé. Alors que les palabres se poursuivent sur ce sujet dans les coulisses, les chefs d'Etat présents dans la capitale éthiopienne ont ouvert le dossier volumineux des conflits et crises régionales en Afrique. Et une première décision a été prise concernant l'interminable crise qui secoue le Congo-Kinshasa : l'UA s'est déclarée prête à contribuer à une force de paix régionale contre les rebelles dans l'est de la République démocratique du Congo. “L'UA est disposée à contribuer à la constitution d'une force régionale pour mettre un terme définitif aux agissements des groupes armés dans l'est de la RDC", a affirmé le président de la Commission de l'UA, le Gabonais Jean Ping. Des soldats mutins se revendiquant d'un “Mouvement du 23 mars" (M23) ont retourné leurs armes ces derniers mois contre les forces régulières de la RDC, auxquelles ils avaient été intégrés dans le cadre d'un accord de paix avec Kinshasa signé le 23 mars 2009, et ils ont conquis depuis plusieurs localités dans l'est du pays. Un rapport de l'ONU accuse le Rwanda voisin de soutenir ces rebelles, ce que Kigali dément catégoriquement. La résolution a été présentée par les chefs des Etats membres de la Conférence internationale sur la région des Grands lacs (Cirgl), une organisation régionale, qui s'étaient réunis à Addis-Abeba en marge du Sommet de l'UA, qui sera clos aujourd'hui. Aucune précision n'a été apportée à ce stade sur la coordination entre une telle force et les 17 000 militaires et 2 000 civils de la mission de l'ONU (Monusco) déployée depuis fin 1999, principalement déjà dans l'est instable du Congo. Les présidents congolais Joseph Kabila et rwandais Paul Kagame participent au Sommet de l'UA et une rencontre entre eux n'est pas exclue afin de tenter de diffuser la crise. Deux autres présidents dont les Etats entretiennent des relations très tendues, ceux du Soudan du Sud et du Soudan, ont de leur côté suscité les applaudissements de la salle en se serrant chaleureusement la main à l'ouverture du sommet. Salva Kiir et Omar al-Béchir s'étaient déjà rencontrés samedi soir, pour leur première discussion directe depuis les combats frontaliers ayant mis leur pays au bord d'une guerre ouverte en mars et avril derniers. Certains des chefs d'Etat africains ont déjà participé samedi à une réunion du Conseil de paix et de sécurité de l'UA, afin d'examiner les principales crises en cours sur le continent. Cette réunion s'est achevée par un avertissement aux autorités maliennes, enjointes d'accélérer le processus de transition politique pour présenter un front uni face aux rebellions islamistes qui ont désormais conquis le nord du pays. “L'unité nationale et l'intégrité territoriale du Mali ne peuvent faire l'objet d'aucune discussion ou négociation", ont rappelé les participants à cette réunion, soulignant “la détermination de l'Afrique de n'épargner aucun effort pour leur préservation". Le sommet de l'UA, le deuxième à se tenir dans un nouveau siège de l'UA construit et offert par la Chine, devait élire un nouveau président de la Commission en départageant Jean Ping, le sortant, et la ministre sud-africaine de l'Intérieur, Nkosazana Dlamini-Zuma, après un premier échec il y a six mois. Lors du précédent sommet, en janvier, le scrutin avait tourné au psychodrame : Jean Ping était arrivé en tête mais il avait échoué à réunir les deux tiers des suffrages, bien que resté seul en lice au quatrième tour du scrutin l'opposant à Mme Dlamini-Zuma, ancienne chef de la diplomatie sud-africaine et ex-épouse du président sud-africain Jacob Zuma. La lutte pour la présidence de la commission risque fort de conduire à une nouvelle impasse, dommageable pour l'image de l'Afrique et de son organisation continentale, Jean Ping et Nkosazana Dlamini-Zuma maintenant fermement leur candidature et étant assurés de recueillir chacun au moins un tiers des suffrages. Seul un accord politique devrait les partager, sinon, Jean Ping se verra prolonger son mandat de six mois encore. Décidément, l'UA n'a pas encore atteint son cycle de croisière. D. B.