RESUME : Après le long périple de la guerre et des sacrifices, l'Algérie est enfin libre et indépendante. La joie est partout. Louisa et les villageois donnent libre cours à leur bonheur. Maintenant que la paix est revenue, il faut songer à construire le pays... Belaïd et Idir ne veulent pas reprendre leurs études, mais Lounes y tient. Louisa tente de satisfaire chacun d'eux. Belaïd commençait à travailler dans les champs de manière plus régulière. Il connaissait les techniques agricoles et se hasardait à faire des remarques sur les nouveaux plants et les rendements des récoltes. Les paysans, qui l'estimaient bien, l'aidaient à voir plus clair dans tout ce qui touchait à un domaine, prétendu simple, mais que les secrets ancestraux rendaient mystérieux... Telle terre n'était pas cultivable avant l'automne, telle autre aurait besoin d'être plus arrosée vu son aridité, telle autre encore ne pouvait avoir un meilleur rendement annuel du fait que ses profondeurs n'avaient pas la consistance requise... etc. Bélaïd écoutait, assimilait, et posait toujours d'autres questions. Idir, qui suivait de loin tout ce que faisait son frère, ne tarda pas à l'imiter. Lui aussi aimait la terre et découvrait tous les jours ses secrets. En fin de compte, Belaïd se propose pour les travaux d'agriculture, et Idir pour s'occuper du bétail, des oliviers et des ruches. Ainsi, ils s'étaient d'eux-mêmes assignés à des tâches qui ne sortaient pas de l'ordinaire, certes, mais qui nécessitaient une maîtrise et un suivi très régulier. J'étais soulagée ! Les enfants de Aïssa allaient reprendre les rênes et nos biens ne seront pas dilapidés... Heureusement que la famille avait eu l'avantage d'avoir cette descendance mâle qui lui permettra de prospérer. Deux années passent. Malek, vint nous rendre visite et ramène ses enfants. Sophie, par contre, était souffrante et n'avait pu faire le voyage. J'étais contente de revoir mon beau frère... Des années s'étaient écoulées depuis sa dernière visite au village. Ses enfants avaient grandi... L'aîné, Belkacem-Sébastien, avait 20 ans et suivait des études en médecine. Il ressemblait à son oncle Kamel. C'est fou ce que les gènes peuvent reproduire des portraits humains parfois identiques. Les larmes aux yeux, je serrais longuement ce beau jeune homme contre mon cœur. La cadette, Saliha-Danielle, avait maintenant 16 ans et était d'une beauté à couper le souffle. Elle aussi travaillait bien à l'école et s'apprêtait à passer son baccalauréat. Le benjamin, Ali-Alain, qui allait sur ses quatorze ans, fréquentait encore le cours moyen. Les enfants de Malek avaient tous hérité d'un prénom algérien... C'était mes beaux-parents qui l'avaient exigé. Pour eux, il était inconcevable que leurs descendants et héritiers légitimes de leurs biens aient seulement un prénom français. Respectant le vœu de ses parents, et afin de ne pas froisser les susceptibilités, Malek avait jugé opportun de donner deux prénoms à chacun de ses enfants. Mon beau-frère emmène sa progéniture dans la maison de ses parents. Il tint à ce que je les accompagne pour leur expliquer certaines choses que lui-même d'ailleurs ignorait, étant donné qu'il n'était pas souvent venu au bled du vivant de ses parents. On visite la propriété, les champs et tous les biens dont ils étaient désormais les seuls successeurs. Les enfants apprécièrent leurs vacances au bled. Je demandais à Tassadite de préparer des plats de chez-nous qu'ils trouvèrent succulents. Belaïd et Idir, qui se trouvaient souvent à la maison pour le dîner, sympathisèrent avec ces "cousins" qu'ils ne connaissaient pas encore, mais qu'ils estimèrent tout de suite. À maintes reprises, je surpris Belaïd qui détaillait Saliha-Danielle... Elle lui plaisait à coup sûr... Le contraire m'aurait étonné d'ailleurs. La jeune fille attirait sur elle tous les regards, et sa beauté ne passait pas inaperçue. Je me demandais au fond de moi si Belaïd n'était pas entiché au point de tout laisser tomber et de suivre l'élue de son cœur de l'autre côté de la mer. Aïssa, son père, n'avait pas hésité à les abandonner pour une femme... En sera-t-il de même pour lui ? Bien que j'aime beaucoup Saliha-Danielle, et bien qu'elle ne soit pas du tout une seconde Monique, je sentis une appréhension me gagner à son égard. Belaïd était l'aîné de la famille, et nous avions tous besoin de lui ici. S'il partait, nous perdrons en lui la pièce centrale du puzzle familial. Malek a dû surprendre mon regard et mon air soucieux. Il n'eut aucun mal à en faire la relation. Pour cela, il tint à préciser, un soir devant tout le monde, que le seul avenir pour ses enfants est l'instruction et une bonne carrière professionnelle. Il précisa qu'il déconseillerait même à sa fille de penser à se marier sans son consentement et sans avoir terminé ses études... Un long cursus scolaire l'attendait encore. Elle terminera le lycée, ira à l'université, avant de choisir un bon métier qui lui permettra d'évoluer. De nos jours, le monde appartient aux femmes. Belaïd avait suivi la conversation sans dire un mot. Avait-il compris qu'on voulait lui transmettre un message ? Je n'en savais rien. Ce que par contre je peux vous certifier, c'est qu'à compter de ce jour, il ne lorgna plus du côté de la jeune fille. Les vacances terminées, Malek tint à aller se recueillir sur les tombes de ses parents et des miens avant de rentrer en France. Il demandera aux enfants de l'accompagner, et leur indiqua toutes les tombes familiales. Ils partirent par un matin pluvieux... Interminables embrassades, larmes, promesses de s'écrire souvent et de revenir l'été prochain. (À suivre) Y. H.