Si vous voulez vous servir à la source de l'Etat rentier, créez un parti. Seule condition : votre parti ne doit ni aspirer à prendre le pouvoir ni se placer en opposition au pouvoir. Le mieux, c'est encore de consulter le pouvoir avant de demander son agrément par le pouvoir. Et si votre initiative sert à affaiblir une ambition qui commençait à agacer l'autorité absolue ou à se prendre pour une réelle force politique, vous êtes encore plus fortement encouragés à créer votre parti. Vous n'aurez même pas besoin de vérifier vos capacités politiques, on vous les inventera. Et s'il y a des doutes sur vos qualités morales et de gestion, on les dissipera. Dans la campagne de promotion du nouveau produit, la presse oubliera les reproches dont elle vous accablait et les conjectures qu'elle tressait sur votre responsabilité dans des projets échoués ou des malversations ébruitées. Même l'opinion publique se rangera à l'avis en vogue et la vox populi fera de vous, ancien ministre contesté, un premier ministrable, voire un présidentiable. Et, la presse “indépendante", toujours plus magistrale que la presse “dépendante", du fait justement de son “indépendance" de papier, expliquera, par des démonstrations sans appel, que votre destin national n'est pas inéluctable. Hier, sommé de s'expliquer de ne pas avoir vu les forfaitures qui se nouaient autour du plus grand investissement de l'Algérie indépendante, Ghoul est aujourd'hui voué aux plus grandes responsabilités. Mieux, on ose même demander sa couleur idéologique à celui qui parvint au gouvernement par la vertu de l'entente entre le nationalisme autocratique et l'islamisme hégémonique. Comme s'il n'y avait aucun rapport entre la stratégie de la réconciliation et la formule d'alliance de gouvernement ! Qu'importe que le régime veuille peut-être aujourd'hui intégrer un “islamisme choisi" : cela changerait-il quelque chose aux convictions de l'heureux... élu, d'ailleurs trop bien élu ? Nos analystes, d'habitude instruits de la filière turque et méfiants devant le péril turc, confirment que Taj n'est pas un parti islamiste. Parole de son fondateur islamiste ! Tous les “partis de la réforme", créés pour les besoins de l'étape actuelle du pouvoir, sont patriotes, démocrates, républicains, n'aiment que l'Algérie, mais rien qui puisse se décliner en “isme". Ils sont apolitiques, n'ont pas été créés pour des ambitions politiques, mais des ambitions tout court. Ils sont prêts à porter les habits qui seront de mode. Pour revenir aux parages de la rente, pour certains, et pour ne pas s'en éloigner, pour d'autres. Pas besoin d'idéologie pour ça, pas même besoin de militants ; juste le parrainage du régime et la disponibilité de la presse, “indépendante" surtout, c'est-à-dire disponible pour tous. Maintenant, grâce à elle, tout le monde sait que le fondateur du dernier-né des partis “de la réforme" est “préparé" pour la présidentielle de 2014. Et pour être sûr que le chemin du Taj vers le couronnement ne souffrira aucune embûche, on nous atteste qu'Amar Ghoul a pris l'autorisation, ou peut-être l'encouragement, du président Bouteflika, avant de se lancer dans son projet partisan. “La réforme" est en marche. Elle semble d'une telle efficacité conservatrice ! M. H. [email protected]