Intervenant au forum de “Liberté", consacré au collectif des avocats du FLN en France, aux côtés de Me Marie-Claude Radziewski, Ali Haroun a présenté un historique sur la constitution et la mission du collectif des avocats chargés de la défense des militants nationalistes, et ce, depuis les années 20. Pour Ali Haroun, les revendications des militants algériens étaient d'ordre pacifique, depuis les années 1920. Ce qui faisait que la tâche des avocats était facile. “Pour tout avocat, la tâche était relativement aisée, tellement paraissaient criardes les injustices dont souffrait le colonisé, et dès lors qu'il n'était pas porté atteinte au sacro-saint principe de la souveraineté française en Algérie, considérée définitivement comme partie intégrante de la France", a-t-il déclaré. Ali Haroun a indiqué que des avocats communistes, socialistes et démocrates formaient le collectif qui défendait les militants algériens dont les griefs n'étaient que l'expression d'idées politiques non conformes au postulat colonial. Parmi ces avocats, il a cité Mes Stibbe, Douzon, Dechezelles, Braun, Weil... Faisant le lien entre la mission des avocats du collectif avec le déclenchement de la guerre en 1954, Ali Haroun a estimé que la tâche de ces avocats n'était plus la même. Il a expliqué que “depuis le 1er Novembre 1954, le FLN refuse d'emblée la législation française". Pour lui, la lutte sur le plan judicaire “est passée du procès de connivence, au projet de rupture". Plus explicite, il a ajouté que les militants algériens arrêtés et traduits devant la justice française “devaient se comporter en belligérants". Cette ligne de conduite a été tracée par la Fédération de France du FLN aux inculpés chaque fois que les circonstances le permettaient. Nouveau contexte pour la défense Dès lors que la guerre de Libération est engagée, la mission du collectif des avocats devait répondre aux exigences politiques de la lutte menée par le FLN. Une mission difficile, explique Ali Haroun, du moment où la défense devait reposer sur la négation et le reniement des lois françaises imposées aux Algériens détenus dans le cadre de leur activités militantes. Face à ces activités “illégales" au regard du droit français, l'avocat “est soumis par la loi, son serment, ses règles déontologiques, à la légalité française". “De ce fait, les avocats devaient opter pour les thèses défendues par leurs clients et inscrire leur conduite dans le cadre général du combat des clients et se conduire en défenseurs d'une cause qu'ils estimaient juste. L'avocat méconnaîtra certes la loi du moment, mais servira le droit et, en fin de compte, les valeurs permanentes d'honneur et de dignité humaine", a indiqué M. Haroun. Durant les premiers mois de la guerre, Ali Haroun se rappelle que les détenus algériens faisaient appel aux avocats français qui se sont engagés à les défendre durant la période de l'avant-guerre. Et il relève que les militants de la cause nationale ne réclamaient plus la protection de la loi française, mais “ils la rejetaient et la refusaient". Devant les juges, ces détenus “médiatisaient leur cause", et le thème de la défense “était en adéquation avec l'orientation cardinale du FLN : l'Indépendance de l'Algérie". La cellule des avocats algériens Durant les débats, Ali Haroun est revenu sur l'épisode de la création de la cellule des avocats algériens. Selon lui, c'était en mai 1957, avec la désignation de Omar Boudaoud à la tête de la Fédération de France du FLN que la stratégie “était devenue plus offensive". Le Comité fédéral de la fédération a créé une cellule d'avocats algériens déjà engagés dans la cause. Elle sera composée de Benabdellah, Oussedik, Ould Aoudia. Cette cellule connaîtra l'adhésion, quelque temps après, notamment à Paris, de Mes Vergès, Zavrian, et Beauvillard, ainsi que Bendimerad à Lyon et Boulbina à Marseille. Ali Haroun a précisé que la première réunion de cette cellule a eu lieu au 13, rue Guénégaud. Elle était présidée par Kaddour Ladlani, dont le coordinateur désigné était Bachir Boumaza. Il précisera, en outre, que dès mars 1959, sur ordre du GPRA, “le collectif des avocats a été algérianisé". Ceci dit, “toute responsabilité au sein de cet organisme doit revenir à un avocat algérien (...) il est responsable de ses actes vis-à-vis de la Fédération et du GPRA comme tout Algérien investi par le Front". Il est revenu aussi sur le découpage géographique décidé, après l'assassinat de Me Ould Aoudia par le SDECE, conformément à la note du 19 avril. Selon cette note, pour la Zone nord-est, dont la responsabilité incombe à Benabdellah, la défense est mise en place à Lille, Béthune, Valenciennes, Avesnes, Mézières, Charleville, Metz, Sedan, Nancy, Châlon-sur-Marne, une dizaine d'avocats collaborent pour assurer le travail exigé par le GPRA. Dans la région parisienne, après la mort d'Ould Aoudia, d'autres avocats ont été désignés aussi bien dans cette même région qu'à Caen, Rouen, Le Havre, où des avocats locaux assurent la défense. Pour la Zone sud, Lyon est confiée à Bendimerad, avec l'aide de Boulbina à Marseille. Un bureau de presse fut créé, durant la même période, dont Me Vergès était le responsable. La mission était de recueillir les informations auprès des avocats et les rendre publiques. Par ailleurs, Ali Haroun a évoqué les affaires de détenus traitées en Belgique. Il a souligné que des avocats belges tels que Serge Moureaux, Marc De Kock, André Merchies, Cécile Draps et d'autres du barreau de Bruxelles avaient défendu les Algériens poursuivis en Belgique pour activités politiques. Vers la fin de la guerre, Ali Haroun a indiqué que le collectif comptait une centaine d'avocats. M M