Des députés socialistes qui s'impatient, un ministre de l'Intérieur réfractaire, une opposition très remontée. Le droit de vote des étrangers non communautaires crée à nouveau une grande polémique en France. De notre correspondant à Paris Tout s'est emballé très vite. 75 députés socialistes sont montés au créneau en appelant dans une tribune dans Le Monde à une mise en œuvre rapide du droit de vote des étrangers, une promesse de campagne de François Hollande. Le même jour, le ministre de l'Intérieur, Manuel Vals, prend à contre-pied son camp. Pour lui, ce n'est ni une «revendication forte dans la société française ni un élément puissant d'intégration». Le ministre redoute «la jonction droite extrême droite sur ce sujet». Manuel Valls, quand il était dans l'opposition, tenait un tout autre discours et disait que la société française était prête. Résultat, une grande cacophonie : gouvernement et majorité ont fait entendre des voix dissonantes sur le droit de vote des étrangers. «Si les serpents de mer votaient, cela se saurait et cela ferait longtemps que les étrangers voteraient en France. Depuis trente ans, la promesse du vote des étrangers aux élections locales fait régulièrement surface : François Mitterrand, puis Nicolas Sarkozy, enfin François Hollande, l'ont agitée. A chaque fois, le serpent de mer a regagné les bas-fonds des promesses non tenues», résume lucidement Francis Brochet dans Le Progrès de Lyon. Serpent de mer de la vie politique française depuis 1981, le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales risque de rester encore un sujet de débat en dépit de la promesse ferme du chef de l'Etat de l'instaurer. L'opposition n'a pas tardé à s'engouffrer dans la brèche. Les deux prétendants à la tête de l'UMP, Jean-François Copé et François Fillon, rivalisent dans la surenchère. Le premier somme François Hollande d'organiser un référendum, tandis que l'ancien Premier ministre réclame «solennellement au président de la République de renoncer à ce projet». Jouant les pompiers à droite, le maire de Bordeaux, Alain Juppé, relève que «ce n'est absolument pas un sujet qui est aujourd'hui de nature à rassembler les Français, alors que l'on a à faire à une crise d'une exceptionnelle gravité. Le droit de vote doit être lié à l'acquisition de la nationalité, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas une politique très active d'accueil des nouveaux arrivants et des populations immigrées». Le Parti socialiste essaie de ramener le calme. L'Elysée a fait savoir que la promesse de François Hollande sera tenue avant 2014. Le chef de file des députés, PS Bruno Le Roux, s'est montré critique sur l'appel de 75 députés. «Je prends cet appel comme une impatience à assurer la réussite du changement. Simplement, je mets en garde : la majorité doit faire preuve de cohérence. On verra plus tard La volonté d'avoir une tribune à tout prix ne doit pas prendre le pas sur la réflexion collective et sur une unité qui, seule, donne de la force». Cette réforme nécessite de changer l'article 3 de la Constitution qui dit que les électeurs sont les nationaux français majeurs. Les ressortissants de l'UE peuvent déjà voter aux municipales depuis une loi de 1998, mais ne peuvent être maire ou adjoint, ni participer à l'élection des sénateurs. Le PS et ses alliés ne disposent pas de la majorité des 3/5 au Congrès nécessaire à une modification de la Constitution. La gauche dispose de 523 membres à l'Assemblée et au Sénat, sur 925 députés et sénateurs.