La 17e édition du Salon international du livre d'Alger a rendu hommage à l'une des plus importantes voix littéraires algériennes. Une occasion pour cet écrivain de revenir sur les “failles" qui le poussent à écrire, sa vision de l'écriture et celle du monde. Le premier jour de l'incontournable rendez-vous de l'année a été marqué par un hommage rendu à l'un des écrivains emblématiques de ces cinquante dernières années. Rachid Boudjedra est revenu sur son parcours littéraire personnel et ses prises de positions politiques sans tabou et sans langue de bois. Malgré l'importance de cette voix littéraire, le public manquait à l'appel lors de cet hommage organisé avant-hier après-midi à la salle Ali-Maâchi. Ce que le romancier n'a pas manqué de relever avec subtilité. Avant d'entamer le débat, modéré par le journaliste Youcef Sayeh, l'écrivain a tenu à faire une petite remarque sur cet hommage. “C'est un peu tardif de le recevoir à 73 ans. Cela m'a touché car je n'ai rien reçu de mon pays !" En évoquant son parcours littéraire, il a indiqué que son entrée en littérature a un rapport avec son “histoire personnelle", parce que c'est un “désir de rembourrer cette faille dans l'écriture et surtout la poésie." Cet écrivain, qui a marqué par ses dix-sept romans en arabe et douze en français, a indiqué n'avoir qu'un seul “maître." “À quatorze ans, j'ai eu le coup de foudre pour Kateb Yacine. C'est le maître de l'Algérie. C'est un homme qui a tracé un sillon dans la littérature, la politique et le militantisme", a-t-il témoigné. L'auteur de Nedjma est, pour lui, “unique. C'est le grand maître qu'il faut vénérer", a-t-il souligné. Et d'ajouter : “Ce qui me choque, c'est le silence des écrivains sur ce maître." À propos de ses œuvres littéraires, il estime qu'il a toujours été un poète et qu'il ne “cessera jamais de l'être." Il considère que dans chacun de ses romans il y a de la poésie. “La poésie c'est la textualité. La poétique du roman est beaucoup plus complexe. Les romanciers écrasent les poètes. Il faut faire adopter l'idée que le roman est aussi poétique", a-t-il déclaré. Cette conférence-débat entre le public et l'invité d'honneur a permis à Rachid Boudjedra d'évoquer quelques frustrations à propos de sa carrière littéraire, notamment sa conversion dans la langue française : “J'ai arrêté d'écrire en arabe pendant la décennie noire. Le pays ne m'a pas accepté comme romancier arabophone mais francophone. J'ai été plus ‘important' en écrivant en français", a-t-il précisé. Et d'insister sur le fait que “mes romans en arabe sont meilleurs." Sur ses positions politiques, le romancier est revenu sur plusieurs points en déclarant : Je suis marxiste, je défends la cause des pauvres et me soulève contre les injustices." À cet effet, il est revenu sur ses livres où il y a constamment des “allusions historiques" comme FIS de la haine, et Hôtel Saint Georges. Quant à l'accusation portée contre lui par les “extrémistes berbères" sur sa position “antiberbère", lors du Printemps berbère, Rachid Boudjedra a affirmé : “Je suis chaoui, je suis debout et j'écris. Je possède une vision politique du monde que les autres écrivains ne possèdent pas. Car, ils ne regardent pas le monde." Concernant le film qui a porté atteinte à l'islam et provoqué des manifestations dans les pays arabes, Rachid Boudjedra, a conclu que c'est “une manipulation et qu'aucune religion ne doit être touchée." H M