Pour l'ex-ministre d'Etat, les principales causes du soulèvement de la jeunesse en 1988 sont toujours en place. Le Mouvement de la société pour la paix (MSP) de Abou Djerra Soltani, dont “l'entrisme" constitue sa marque de fabrique politique et qui a enfilé depuis peu “les oripeaux" de l'opposition, redoute une nouvelle révolte populaire à l'image de celle d'Octobre 1988 dont on a célébré hier le 24e anniversaire. “Les ingrédients de l'explosion du 5 Octobre sont toujours en place et on craint que certains ne jettent encore une fois de l'huile sur le feu", a mis en garde, hier à Alger, Abou Djerra Soltani lors d'une rencontre consacrée à la célébration de cette date charnière dans la jeune histoire de l'Algérie indépendante. Pour l'ex-ministre d'Etat, les principales causes du soulèvement de la jeunesse en 1988 sont toujours en place : “persistance de la hogra et de la bureaucratie" ; “propagation de la corruption" (“je l'ai évoquée il y a cinq ans et vous connaissez la suite"), a-t-il ironisé, évoquant également le cas de Zandjabil, baron de la drogue à l'ouest du pays, recherché en vain depuis 20 ans, “aucun responsable ne rend des comptes" et “la levée de l'état d'urgence symboliquement, mais sans rien changer dans le fond". À cela s'ajoutent : la peur, le terrorisme, l'instabilité, le manque d'investissement, une Constitution qui “évolue seulement sur le papier" et “un retour au parti unique sous une autre forme". Mais en dépit de ce tableau peu reluisant, Abou Djerra Soltani trouve quelques acquis à mettre à l'actif des jeunes d'Octobre : “le maintien de l'unité du pays", “les Algériens n'ont pas recouru aux forces étrangères", tandis que “80% de la réconciliation ont été accomplis". Les évènements d'Octobre 1988 sont-ils un “chahut de gamins", selon une célèbre phrase d'Ali Ammar, président de l'Amicale des Algériens en Europe, ou devraient-ils être considérés comme le printemps algérien, comme tente de l'accréditer le pouvoir algérien depuis janvier 2011 après les avoir superbement ignorés deux décennies durant ? Pour l'ex-ministre d'Etat, “un chahut de gamins" n'aurait jamais contraint les décideurs à aller au pluralisme ni n'aurait apporté l'ouverture démocratique. Aussi réfute- t-il le qualificatif de “printemps" en raison de l'absence de “fruits". “Je ne pense pas que nos amis tunisiens et égyptiens vont attendre plus de 20 ans pour espérer récolter les fruits de leur printemps !" a-t-il ironisé. Selon Abou Djerra Soltani, la crise qui minait alors le FLN a été déplacée dans la rue. “Le soulèvement d'Octobre n'a été ni un chahut de gamins ni un printemps algérien. C'est le fruit d'un règlement de comptes entre clans", a- t-il dit. La bureaucratie, l'importance du discours sur l'éveil des islamistes, l'absence de l'Etat et l'omniprésence des services de sécurité, la fermeture des canaux de communication et de dialogue et la chute brutale des prix du pétrole sont, entre autres, des facteurs à l'origine de la révolte des jeunes dont Abou Djerra n'omet pas de rappeler “qu'ils se sont attaqués à tout ce qui symbolisait le pouvoir du FLN". Mais de façon plus globale, il trouve quelques similitudes entre l'Algérie et le reste des pays arabes sur les causes qui poussent les populations à se soulever. Parmi ces causes figurent notamment “la fraude électorale", “le maintien indéfini au pouvoir et la succession dynastique", “la transformation de l'Etat en régime policier (le tout sécuritaire au lieu d'un Etat d'institutions)", “la centralisation des ressources entre le Président, ses proches et sa clientèle (Etat de zaïmisme)", “la confiscation des libertés" et enfin “la corruption généralisée et l'absence de responsabilité". Le premier responsable du MSP conclut son intervention par une série de recommandations. Selon lui, “il faut tirer les leçons de 88, s'asseoir autour d'une table avec tous les acteurs", s'entraider “pour sortir de la période de transition et aller vers un Etat de droit", “séparer le pouvoir de l'argent et l'argent du pouvoir", et enfin mettre en place de nouveaux mécanismes pour rétablir la confiance entre les administrateurs et les administrés. “Cinquante ans après l'Indépendance, l'Etat n'est pas à la hauteur de la Révolution. La solution est politique", a-t-il conclu. K K