Confrontée depuis la chute de Mouammar Kadhafi à l'insécurité grandissante, la Libye fait face, désormais, à une crise politique, avec le limogeage du Premier ministre libyen élu, Moustapha Abou Chagour, par la nouvelle Assemblée nationale, avant même de former son gouvernement. Il a été démis d'office de ses fonctions, dimanche, après le rejet par les élus d'un nouveau cabinet, trois jours après le refus en bloc de sa première proposition durement critiquée par les députés. Sur les 186 membres de l'Assemblée présents, sur les 200 que compte l'institution, 125 ont refusé d'accorder leur confiance au “gouvernement de crise" proposé, contre 44 voix favorables et 17 abstentions, selon des images retransmises en direct par la télévision libyenne. Moustapha Abou Chagour a pourtant proposé un “gouvernement de crise" restreint à dix ministères, affirmant avoir privilégié la compétence à d'autres considérations géographiques ou politiques. “Face aux dangers qui menacent le pays, je vous présente un gouvernement de crise, restreint à dix ministères, rejetant toute considération géographique", a-t-il déclaré devant les 186 membres présents du CGN. Visiblement irrité, il a critiqué dans la foulée les membres du Congrès et les blocs politiques représentés au sein de l'Assemblée qui avaient rejeté, jeudi, sa première proposition. Le Premier ministre a souligné : “Le premier gouvernement n'était pas parfait. Et nous aurions pu le discuter et le remanier (...), mais les demandes des membres du Congrès étaient irréalistes : quelques-uns exigeaient un portefeuille bien précis pour leur région, l'un des blocs politiques a demandé onze portefeuilles et un autre en a exigé neuf." En application de son règlement intérieur, l'Assemblée doit maintenant élire ou désigner un nouveau Premier ministre, après avoir rejeté deux fois les propositions de Moustapha Abou Chagour. Afin d'éviter une vacance de pouvoir, les élus libyens ont annoncé leur intention de renouveler leur confiance dans le gouvernement de transition sortant d'Abdelrahim al-Kib. Des rumeurs font état d'un accord entre les deux principaux partis représentés au CGN, les deux rivaux : l'Alliance des forces nationales (premier bloc parlementaire) de Mahmoud Jibril, qui a refusé de participer au gouvernement après l'échec des négociations, et le Parti de la justice et de la construction issu des Frères musulmans. Les deux partis seraient d'accord pour former un gouvernement d'union, avec à sa tête une personnalité indépendante. Pour rappel, le Congrès général national (CGN), la plus haute institution politique du pays, avait rejeté, jeudi dernier, une première proposition de Moustapha Abou Chagour, sans prendre la peine de faire voter les ministres un par un, comme prévu par le règlement intérieur. Le Premier ministre était confronté à la difficile tâche de former un gouvernement représentatif des régions et des diverses tendances, dans un pays qui fait face à de grands défis de sécurité et dont le nouveau pouvoir n'arrive pas à asseoir son autorité devant la multiplication des milices armées. M. T./Agences