Contrairement à certains qui ont exprimé leur préférence pour le développement des énergies renouvelables au détriment de celui des gaz de schiste, qu'une partie d'entre eux rejette d'ailleurs, je pense quant à moi qu'il faut faire les deux dans des horizons temporels différents mais qui se chevauchent. J'essayerai d'expliquer pourquoi. Commençons par examiner la question de l'évolution de l'offre énergétique de l'Algérie en rapport avec l'évolution de sa demande interne et de ses exportations. Même si je ne suis pas de ceux qui terrorisent l'opinion publique en prédisant qu'en 2017, il n'y aura plus d'hydrocarbures gazeux à exporter, la disponibilité d'une offre énergétique «suffisante» à moyen terme (2025 à 2030) est néanmoins préoccupante à plus d'un titre. L'Algérie consomme 40 millions de tonnes équivalant pétrole (TEP) en 2012 et, avec un taux de croissance annuel supérieur à 15%. Cette consommation doublera avant 2030. De 35 milliards de gaz naturel absorbés par le marché domestique on passera au double à cet horizon pour satisfaire une demande tirée non seulement par les ménages mais de plus en plus par le secteur industriel. Ce qui représentera un volume de gaz supérieur à ce qui est exporté actuellement. Deuxième variable d'ajustement : celle de l'évolution de l'offre gazière traditionnelle. Cette dernière s'est tassée ces dernières années pour plusieurs raisons : conditions d'exploitation inappropriées du méga-gisement de Hassi R'mel, nouveau cadre institutionnel peu attractif pour l'investissement international (loi sur les hydrocarbures), retards dans l'exécution des projets(Gassi Touil), capacités d'exploration et de forage de Sonatrach insuffisantes. Alors que ceux qui ne cessent de répéter que l'Algérie dispose de trop de réserves de change et qu'il faut laisser les ressources d'hydrocarbures dans le sous-sol se rassurent : on n'a pu ni les mettre à jour et encore moins les exploiter. Ce débat me semble d'autant plus décalé que cette ressource de gaz conventionnel pourrait commencer à décliner à partir de 2030 surtout si l'on considère l'hypothèse pessimiste de certains analystes qui ne tablent plus, pour les raisons indiquées plus haut, sur des réserves récupérables de 4 500 milliards de m3 . On comprend alors mieux pourquoi les pouvoirs publics ont réintroduit dans la récente révision de la loi sur les hydrocarbures la possibilité de se faire payer par les associés en hydrocarbures. Ce double trend demande/offre, à évolution opposée, rend incontournable et nécessaire le recours au gaz de schiste pour sécuriser sur le long terme la demande nationale tout en continuant à exporter sur les marchés internationaux des quantités suffisantes pour financer (partiellement ?) notre développement. Les estimations préliminaires donnent un niveau de réserves récupérables quatre fois plus important que celui du gaz conventionnel. En outre, c'est la même démarche qu'on retrouve dans le programme des énergies renouvelables qui prévoit une génération électrique à partir du gaz naturel et du solaire, de sorte à économiser des volumes significatifs de gaz naturel. Il faut rappeler que le champ daté d'exploitation, à grande échelle, des gaz de schiste est déjà ouvert. L'expérience des Etats-Unis a déjà validé la démarche industrielle de production et de commercialisation du gaz de schiste puisque ce pays n'importe plus de GNL et commence même à en exporter. Reste une problématique sérieuse à traiter : celle de la sécurité environnementale compte tenu des risques de pollution des nappes phréatiques que peut générer le seul procédé industriel disponible actuellement, celui de la fracturation hydraulique. Ce procédé implique l'injection à haute pression (100 bars), à travers un forage horizontal, d'un mélange d'eau et de sable contenant des produits chimiques de sorte à fracturer la roche et libérer ainsi le gaz qui y est piègé. Le captage, l'acheminement et le traitement de ces eaux industrielles polluantes devront constituer une obligation du cahier des charges d'exploitation, obligation dûment contrôlée par l'Autorité de régulation concernée, en attendant la mise en place d'autres procédés de production. À l'inverse, en l'état actuel des technologies de production et de transfert et des capacités d'absorption des prix par les marchés énergétiques européens, la génération électrique de masse, à partir des «tours solaires» notamment, pose encore des problèmes encore non résolus. Ils le seront assurément, comme ils l'ont été pour le gaz de schiste. Un programme de long terme, dont il faudra suivre la mise en œuvre, lui a été consacré en Algérie avec des étapes successives de maturation technologique et économique. En conclusion, seules des approches pragmatiques dotées de mobilisation progressive, efficace et maîtrisée des sources d'énergie carbonées non conventionnelles et des énergies renouvelables peuvent préparer la transition énergétique. Pour ce faire, il faudra se projeter sur le moyen terme et quitter le terrain de l'idéologie et de la politique de court terme. Vous conviendrez avec moi que ce n'est pas le plus facile d'autant que la problématique tarifaire n'est pas dans l'agenda. Pour le moment. M M [email protected]