Le projet d'amendement de la loi sur les hydrocarbures, déjà adopté en Conseil des ministres, a suscité la réaction de plusieurs experts. L'un de nos interlocuteurs ayant été un des acteurs dans la politique énergétique, qui a gardé l'anonymat, représentant un courant émettant des réserves sur l'exploitation du gaz de schiste, a abordé quatre axes sur lesquels la réflexion doit être portée pour pouvoir cerner les amendements introduits : l'orientation et les priorités engagées, la rentabilité des projets, la diversification, l'après-pétrole et la construction d'une économie forte. Officiellement, ce projet est venu corriger des distorsions et éliminer des écarts pris, parfois dangereux pour mettre sur les rails le secteur des hydrocarbures et booster les investissements. Les points saillants portent sur deux grands axes : - premièrement, il y a réaffirmation du 51/49, qui signifie la consolidation de la souveraineté nationale sur un secteur stratégique avec le respect de la majorité dans tout projet d'investissement de la Sonatrach avec les partenaires étrangers ; - deuxièmement, tirer profit de l'enjeu du pourcentage des taxes et des redevances d'un côté en intéressant davantage les partenaires étrangers. En somme, on fait alliage entre fermeté et solidité pour sauvegarder les intérêts stratégiques d'un côté et adaptabilité et assouplissement de l'autre pour tenir compte des exigences du marché et de son évolution rapide et souvent imprévisible sans quoi tout est remis en cause. Si tout semble cohérent, il n'empêche que des appréhensions fortes persistent dans un domaine stratégique qui demande de la préparation et de la réflexion, de la bonne gouvernance, de la visibilité et un bon choix pour au moins trois décades. Les interrogations les plus essentielles comportent des appréhensions, voire des inquiétudes mêmes pour ce grand projet qui engage non seulement le secteur clé des hydrocarbures, mais l'ensemble de l'économie pour les prochaines décennies. Les auteurs du projet actuel se sont sans doute efforcé de remédier aux failles de la loi de 2005 par un retour à la rigueur et la maîtrise en main des destinées du secteur. Sur ce plan, il y a un retour à l'esprit et à la lettre à la première loi de 1986 qui avait permis au secteur des hydrocarbures de connaître un boom après le crash des prix en doublant en l'espace de quelques années ses réserves et capacités productives. Aujourd'hui, le contexte est tout autre, note-t-il. Devant la rareté de plus en plus constatée et les horizons pas très clairs dans le domaine des hydrocarbures conventionnels, que nous faut-il faire en ce moment et vite si on veut préparer notre stratégie énergétique et l'après-pétrole ? Les nouvelles options vont clairement vers la récupération secondaire et tertiaire et surtout du pétrole et gaz de schiste. Désormais le pétrole et le gaz bon marché, ça va être du domaine du passé. Le coût d'extraction est très élevé et posera certainement le problème de la rentabilité. Certains sont tentés par l'expérience américaine et le tapage fait là-dessus sur le gaz de schiste a bon marché. Les Américains nous font les yeux doux. Mais ce n'est pas si sûr. Ce qui est valable chez eux, n'est pas nécessairement valable chez nous, notamment avec les désavantages de l'eau, de la nature des gisements plus profonds et de la technologie de pointe. S'engager les yeux fermés sur l'option du schiste risque non seulement de créer une dépendance à long terme, mais de nous faire subir sous peu le fait d'avoir monté des installations coûteuses non rentables, qui profiteraient aux partenaires étrangers en premier lieu. Pour éviter ces risques, du moins les atténuer, il nous faut continuer la recherche des hydrocarbures conventionnels. Tout n'est pas fermé. Il y encore des possibilités de découvertes, pas de la taille de Hassi Messaoud, mais en grand nombre dispersées à travers tout le territoire national et l'offshore. Il ne faudra pas négliger les autres options, notamment le développement des énergies renouvelables dont le solaire et l'éolien pour lesquels l'Algérie a un avantage que beaucoup d'autres n'ont pas. Ce qui a été fait reste très timide et ne dépasse pas l'espace expérimental. L'Algérie enregistre un retard criant par rapport à beaucoup de pays. Le nucléaire civil ne doit non plus être écarté. S. B.