Réveil mouvementé samedi dans la ville française de Poitiers. Alors que l'islam continue de nourrir le débat politique sous l'impulsion de dirigeants de la droite, qui le présentent sous un visage rédhibitoire, une soixantaine de militants de l'extrême droite, se revendiquant du mouvement Génération identitaire et venus de toute la France, se sont introduits à 6 heures du matin samedi dans les bâtiments de la future grande mosquée de la ville. Ils sont arrivés munis d'un dispositif logistique important (tentes, groupe électrogène). Une manière de dire qu'ils venaient s'installer sur les lieux afin d'empêcher la poursuite des travaux, pour signifier qu'ils voulaient s'installer pour longtemps. Le choix de Poitiers n'est bien sûr pas fortuit puisque c'est ici que s'est arrêtée en 732 la tentative de la conquête musulmane de l'Europe. Sur son site Internet, Génération identitaire justifie cette action au nom de “la reconquête" et demande l'instauration d'un référendum sur l'immigration extra-européenne et la construction de nouvelles mosquées en France. Des négociations ont été menées au moyen de la grande échelle des pompiers avec les représentants du groupuscule d'extrême droite installés sur le toit. À la mi-journée, les manifestants ont accepté de quitter les lieux. L'évacuation a été organisée par les forces de l'ordre.Les militants, âgés pour la plupart d'une vingtaine d'années, étaient arrivés à Poitiers à bord d'une cinquantaine de véhicules qui sont allés ensuite se garer un peu partout dans la ville. Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, en charge des cultes, a dénoncé “la provocation haineuse et inadmissible" et “les amalgames douteux" de ces manifestants qui faisaient référence à “Charles Martel, qui, il y a bientôt 1 300 ans, arrêtait les Arabes à Poitiers". Depuis Manille, aux Philippines, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a également condamné cette action. “Ils sont plutôt assez jeunes et ont déployé une banderole Génération identitaire sur le toit", a expliqué Rachid Kaci, le sous-préfet de Montmorillon, d'origine algérienne, qui s'est rendu sur place, alors que la police s'organisait pour les déloger. Le président de l'Observatoire de l'islamophobie, Abdallah Zekri, a condamné ce coup de force pratiqué par des extrémistes venus de toute la France pour prêcher encore une fois la haine anti-islam. De son côté, le Conseil français du culte musulman a exprimé samedi “sa forte indignation" et “condamné avec la plus grande vigueur l'occupation depuis ce matin à 6h de la grande mosquée de Poitiers, en cours de construction, par un groupe se réclamant de Génération identitaire, perturbant les offices religieux qui se tiennent dans une salle à proximité". “Cette occupation grave, sauvage et illégale, accompagnée de slogans hostiles à l'islam et aux musulmans, est sans précédent dans l'histoire de notre pays", déplore le président du CFCM, Mohammed Moussaoui, dans un communiqué. “Le CFCM exprime sa profonde inquiétude face à cette nouvelle forme de violence antimusulmane qui témoigne une fois de plus de la volonté de ces groupuscules de mettre en péril notre vivre ensemble et notre cohésion nationale par l'incitation à la haine et à la division", poursuit le communiqué. Il se dit “confiant dans la mobilisation des autorités" et “appelle les pouvoirs publics à tout mettre en œuvre pour mettre fin à cette occupation inacceptable et à traduire ses auteurs devant la justice". “Le CFCM, qui salue les gestes de solidarité des autorités religieuses sur place, appelle toutes les forces vives de notre pays à s'opposer avec force à ces provocations méprisables", souligne M. Moussaoui qui fait part du “total soutien" du CFCM aux responsables et aux fidèles de la grande mosquée de Poitiers et “appelle les musulmans de France à faire vivre l'esprit de ces dix premiers jours du mois du grand pèlerinage, les plus importants du calendrier musulman, pour affronter cette nouvelle provocation dans la sérénité". K. Y