Rencontré à bord d'un avion assurant la liaison Annaba-Alger, le chanteur à succès, idole des jeunes, a bien voulu se prêter au jeu des questions/réponses. Il lève, dans cet entretien exclusif accordé à Liberté, un coin de voile sur la recette de son succès et les raisons de son véritable envol. Entretien en plein ciel. Liberté : Qu'êtes-vous venu faire à Annaba ? Kader Japonais : Je suis venu animer un mariage à la salle des fêtes Tedj Marhaba et je dois dire que j'ai du mal à quitter cette ville qui m'est très chère. Si je n'avais pas des engagements professionnels, je serais resté... Vous êtes donc tombé sous le charme de la Coquette, vous aussi ? Et comment ne pas y succomber ! Elle a tellement de beaux atours... (rires). Pour ne rien vous cacher, je pense sérieusement à y acquérir pour mes vieux jours une propriété précisément à Séraïdi, un endroit si tranquille... Votre dernier tube Mama Mia a fait un tabac cet été. Quel est le secret de votre popularité particulièrement chez les jeunes ? Vous savez, j'ai préparé cette chanson pour le cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie avec pour concept El Hafla n'dirouha (on fera la fête). Mama Mia est, certes, une chanson festive mais elle ne reflète pas moins de dures réalités sociales. La plupart des jeunes d'aujourd'hui sont nés à une période trouble que traversait l'Algérie. Une période dont ils se souviennent à peine mais qu'ils ne veulent surtout pas vivre ou revivre. Contrairement à ce que l'on peut penser, les nouvelles générations sont douées d'une grande sensibilité. Il faut savoir leur parler. Aussi, j'utilise un langage simple, la langue de la rue avec son francarabe et ses néologismes. Et je dois dire que le message passe très bien... Considérez-vous que les paroles de vos chansons ne soient jamais “triviales" ? Absolument pas ! Sachez que je fais toujours valider mes chansons d'abord par mon entourage familial, mon premier auditoire. Mes paroles sont propres. Notez-le, s'il vous plaît : on peut toujours écouter Kader Japonais en famille ! Pourtant on vous reproche d'inciter parfois les jeunes à la “harga" (émigration clandestine). Qu'en dites-vous ? Je parle effectivement d'émigration clandestine, du visa et de départs vers l'Europe et ailleurs... Mais dites-moi, n'est-ce pas une réalité criante que vous-même, la presse, vous en faites l'écho tous les jours ? Ceci dit, non, je n'incite personne à partir. Moi-même, je me refuse à cette idée qui est pour moi une vraie chimère. J'ai la possibilité de m'installer à l'étranger mais comme disait Dahmane El Harrachi, “Ya rayeh, trouh taâya outwelli..." Je reste un enfant de Bab El-Oued, un quartier populaire auquel je reste très attaché. Pour preuve, j'y vis toujours. Et c'est cette peut-être aussi cette proximité qui m'attire aujourd'hui un tel succès... Vous vous êtes fait aussi “un nom" dans le registre de la chanson sentimentale où il est souvent question de chagrins d'amour. Cela semble symptomatique. Quels étaient, quand vous étiez jeune, vos chanteurs préférés ? Sans hésiter, je répondrais cheb Nasro qui était vraiment mon idole suivi par George Wassouf que j'aimais bien également. Comme eux, j'essaye de faire en sorte que mes chansons sentimentales soient valables pour les deux sexes. Je joue souvent sur cette dualité. Quant au chagrin d'amour dans la chanson, c'est un vieux “lieu commun"... Vous êtes donc pour “l'égalité des sexes"... Absolument ! (rires) Cet été, vous vous êtes produit à travers tout le pays dans le cadre des festivités du cinquantenaire. Vous avez fait danser et même chanter beaucoup de monde. Quel a été le concert qui vous a le plus marqué ? A ma grande surprise, c'était à Tizi Ouzou, au stade Oukil-Ramdane, archicomble. Je n'en revenais pas que les Kabyles pouvaient connaître aussi bien mon répertoire et pouvaient chanter avec moi en chœur. C'était pour moi très émouvant. Je me suis alors mis littéralement à genoux pour remercier ce public en or auquel je donne rendez-vous, Inch Allah, l'année prochaine. ! Quelle est votre actualité immédiate ? Je prépare une tournée en Hollande avec deux dates à Rotterdam et à Maastricht. Ensuite, je me rends en tournée en France avant de partir en décembre en Côte d'Ivoire, à Abidjan, où je suis nominé aux “Kora Awards 2012", au titre du “Meilleur artiste d'Afrique du Nord", représentant de l'Algérie. La cérémonie aura lieu en présence de Chris Brown, une star américaine qui a à son actif plusieurs Grammy Awards. Enfin, pour le réveillon, je suis invité à animer une grande soirée à Dubaï. A quoi aspirez-vous aujourd'hui ? Vous savez, l'être humain vit les mêmes souffrances et les mêmes espoirs partout dans le monde. J'aspire donc dorénavant à l'universel. Je veux entamer une carrière internationale ! M. C. L. Bio-express Abdelkader Haïbaoui, alias Kader Japonais, est né à Alger le 11 mars 1978 dans le quartier populaire de Bab El-Oued. Dès sa plus tendre enfance, il se passionne pour la musique raï. C'est en reprenant les plus grands succès de Remiti, Hasni ou Khaled qu'il acquière très vite une notoriété. Tout le monde l'appelle Kader Japonais pour son air faussement asiatique, surnom qu'il décide de garder comme nom d'artiste. En 2006, il sort l'album Jibou la brigade avec son tube Ana ouana. Depuis les succès commerciaux s'enchaînent comme Haba haba, Nessamik Omri ou Ana netâadeb, jusqu'au dernier en date Mama Mia qui fait fureur en ce moment. Aujourd'hui, reconnu parmi les grands chanteurs de raï et reconnaissable grâce à sa voix légèrement éraillée, Kader Japonais participe aux plus grands festivals internationaux de musique au Maghreb. Et même au-delà. Ses chansons, décrivant avec émotion et réalité, le quotidien de la jeunesse algérienne, ont dépassé les frontières du pays. Aujourd'hui, il est en passe d'arracher une consécration internationale.