On l'aura fait. Et d'une pierre trois coups : “Foire de la production", “Djazaïr Export" et “Mémoire et réalisations". Le message qu'on ne peut pas défendre politiquement est emballé dans une triple manifestation économique dont la confusion organisationnelle devait camoufler l'inconsistance industrielle. L'évènement est censé promouvoir les efforts de cinquante ans de “progrès industriels" et de “réalisations" en matière de production et... d'exportation ! Pour une fois que le pouvoir veut mettre de la mémoire dans une manifestation, il n'y avait pas de grands accomplissements à y mettre ! Une économie ne fait pas cérémonie de son passé, mais de son bilan. Sinon, c'est peut-être un musée qu'il eut fallu à la place de cette foire qu'un confrère a appelé “un voyage dans le passé". À côté de quelques vieilleries au design soviétique, on aurait pu retrouver avec nostalgie les lames Safir Inox et les... parfums Enad. Et c'est le moment choisi par le ministre des Finances pour nous rappeler que “la subvention des produits alimentaires de première nécessité est passée de 7 milliards de dinars en 2006 à 215,6 milliards de dinars en 2012" et que “l'Etat a dépensé 2 121 milliards de dinars entre 2001 et septembre 2012 à travers l'assainissement de leurs dettes et l'appui à l'investissement" ! Si l'on tenait compte du soutien cumulé en cinquante ans au secteur public “productif", il ne serait pas étonnant de constater que, pendant tout ce temps, le pétrole aura servi à financer l'existence improductive de notre industrie, au même titre qu'il finance l'existence des Mouloudia. Tout cela pour que l'Etat subventionne le pain, le lait et dispense de taxes à l'importation l'huile, le sucre et les aliments du bétail. Faute de production nationale, il subventionne les exportateurs étrangers de nos produits de première nécessité ! Cette “foire", c'est aussi le moment choisi par le secrétaire général de l'UGTA pour appeler à réinstaurer le crédit à la consommation et à le lier à la consommation de la production nationale. Mais quelle production nationale ? Maintenant que l'agroalimentaire importe ses matières premières, que le ciment, la construction, la pétrochimie, la communication, le médicament en partie, la gestion de l'eau et du transport urbain sont sous-traités, que reste-t-il de la production nationale ? Les entreprises du secteur énergétique ? Et... l'ex-Sonacome. Certes, le régime préfère enfouir la rente dans un secteur public dont il maîtrise les soubresauts sociaux par le moyen de l'appareil syndical affilié au système rentier qu'à prendre le risque d'une liberté d'entreprendre qui l'obligerait à renoncer à son total pouvoir d'allocation de ressources et à son contrôle des mouvements sociaux. L'argent de la rente est, dans ce système, plutôt destiné à une gestion politique de l'ordre social qu'à aider à un décollage économique. Le développement est un souci mineur au regard de la préoccupation de maîtrise sociale et, donc, de maîtrise politique du monde du travail. On finance la Sonacome dans le même esprit qu'on finance le Mouloudia : ce n'est pas le résultat qui est visé, mais l'obédience rentière de catégories à potentiel revendicatif ou subversif. À côté, il faut faire semblant, à travers des foires et salons, d'avoir des velléités de développement dont la rente nous dispense. M. H. [email protected]