Le prononcé du verdict a eu un effet de soulagement, aussi bien pour les proches des victimes que pour la population de la région, profondément traumatisée par cette affaire. La population l'a souhaité exemplaire et la justice l'a décidé des plus sévères. Le châtiment réservé aux 14 individus reconnus coupables dans l'assassinat, en novembre 2010, de l'entrepreneur d'Aghribs, Hend Slimana, l'enlèvement de son cousin Omar et 18 autres affaires criminelles dont sont victimes 41 personnes, est, s'accorde-t-on à estimer à Tizi Ouzou, à la hauteur des crimes commis et de la psychose semée dans la région. Au terme du procès marathon qui aura duré trois jours et presque trois nuits, le jury du tribunal criminel près la cour de justice de Tizi Ouzou qui a poursuivi les membres de ce groupe pour 8 chefs d'inculpation, allant de l'homicide volontaire avec préméditation à la vente et usage d'armes d'assaut, a prononcé la peine capitale à l'encontre de 8 accusés dans cette affaire. Il s'agit de I. Sofiene, I. Hassan, T. Boussaâd, T. Youva, H. Sadek, A. Lyes, S. Omar et S. Djamel qui demeure en fuite. A. Mohamed a, quant à lui, écopé de la prison à perpétuité alors que B. Abderrazak a écopé de 8 ans de prison, A. Rabah de 5 ans et B. Mohand de 3 ans. S. Hali et M. A., qui demeurent en fuite, ont été condamnés à 20 ans de prison. Avant que le jury du tribunal ne rende son verdict au terme d'environ 20 heures de délibérations, le procureur de la République avait requis 10 peines capitales, une condamnation à perpétuité et une autre à 20 ans de prison et 5 millions de dinars d'amende. Si, pour le représentant du parquet général, aucun des accusés ne pouvait bénéficier de circonstances atténuantes tant, a-t-il estimé, tous leurs actes ont été prouvés par des moyens technologiques ou des témoignages de victimes et de témoins, le jury du tribunal a fini par trouver matière à réduire certaines peines requises. À l'annonce du verdict final, le soulagement se lisait dans les yeux de toutes les victimes et des citoyens venus nombreux à ce procès qui n'était pas seulement celui des victimes contre leurs bourreaux mais celui de toute une région contre ceux qui ont grandement participé à sa destruction. “Il est vrai que j'appréhendais le procès, mais à présent que le verdict est rendu, ma femme et moi sommes soulagés, nous savons que Hend ne reviendra pas mais au moins que justice lui est rendue. Nous remercions les services de sécurité qui ont mis un terme aux agissements de ces individus et la justice qui vient de prononcer des sanctions exemplaires", nous dira Saïd Slimana, un des frères du défunt entrepreneur d'Aghribs, non sans noter cette ironie du sort qui a fait que Hend a été assassiné la veille d'une fête de l'Aïd et que justice lui a été rendue à la veille d'une autre fête de l'Aïd. Le même sentiment de “justice rendue" et de “procès exemplaire" a été partagé par la plupart de ceux qui ont eu à suivre ce procès durant trois jours. Ces trois jours durant lesquels les déclarations des accusés, les questions et les remarques du juge et du procureur ainsi que les plaidoyers des avocats ont pu apporter autant de réponses que de questions au sujet de cet arbre du terrorisme qui cache la forêt de l'insécurité en Kabylie. En effet, le mode opératoire de ce groupe local de malfaiteurs qui, d'un braquage d'un camion transporteur de boissons alcoolisées à l'aide d'une arme factice, est passé aux kidnappings pour demander des rançons et attaque de commissariat avec usage d'armes de guerre de type Kalachnikov, permet de comprendre que l'insécurité en Kabylie n'est pas le fruit des seuls groupes d'Aqmi mais aussi de groupes de malfaiteurs qui profitent du terrorisme islamiste dont ils adoptent les même pratiques pour engranger des milliards sur fond de terreur. Mais lorsque l'on entend le cerveau du groupe, H. Sadek, citer des noms qu'il souhaiterait voir convoqués puis de lancer en pleine figure au juge : “Cette affaire vous dépasse et je peux aller plus loin dans mes révélations s'il y avait une réelle justice", et ce, sans susciter la moindre réaction du juge et du procureur, il y a forcément matière à s'interroger sur tout le travail effectué jusque-là par la justice. Pour certains, la connexion avec le terrorisme soutenue par T. Youva et la thèse des cerveaux qui courent toujours les rues, développée par H. Sedik, n'est qu'une diversion qui visait à éloigner le juge des faits réels. Ce qui n'a pas empêché les avocats de la partie civile à demander au jury de prendre acte à l'effet de déposer une plainte tant le complément d'enquête souhaité n'a pas été ordonné par la justice. En tout cas, bien qu'après des condamnations aussi sévères, les plus sceptiques continuent de soutenir mordicus que s'il n'y a pas avant tout volonté politique, le seul traitement juridique de ce genre d'affaires, quand bien même à travers des procès aussi exemplaires soient-ils, ne suffira jamais pour dissuader les malfaiteurs de tous bords et pour mettre un terme à l'insécurité et aux kidnappings dont souffre encore la région de Kabylie. S L