La presse marocaine qui était montée au créneau pour “chasser" l'émissaire de l'ONU est devenue subitement muette. Un black-out à décrypter. L'envoyé personnel du Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies pour le Sahara occidental, Christopher Ross, qui se trouve depuis samedi au Maroc, n'entamera qu'aujourd'hui ses entretiens avec la partie marocaine, et ce, après un week-end consacré au “repos", dixit Youssef Amrani, ministre délégué aux Affaires étrangères du royaume chérifien. Pressé par la presse étrangère, notamment par l'agence espagnole Efe, de donner quelques détails autour de cette visite, Amrani a révélé que Ross aurait dès aujourd'hui des contacts avec le gouvernement et le Parlement marocain. Le ministre n'a toutefois rien divulgué des détails et de la nature de ces contacts. Aucune indication précise sur l'agenda de cette visite n'est fournie. Le mutisme est de rigueur. Les autorités marocaines restent évasives, et le silence est soigneusement gardé sur les noms des personnalités marocaines que le représentant de l'ONU aura à rencontrer ainsi que sur les sites qu'il aura à visiter dans le cadre de sa tournée qui se prolongera dans la région jusqu'au 15 novembre prochain. On ignore, ainsi, pour l'heure, si Christopher Ross sera reçu par le roi Mohammed VI et s'il se rendra à El-Ayoune à l'issue de ses entretiens. “Christopher Ross est arrivé à Casablanca, en provenance de New York, pour une visite de travail au royaume", se sont bornées à indiquer les autorités marocaines dans un communiqué laconique annonçant cette visite peu médiatisée. Il est vrai, cela dit, qu'il est difficile de revenir sur un parti pris. La presse marocaine, qui était en première ligne pour “chasser" Ross, est devenue soudainement muette. On s'en souvient pourtant qu'il y a peu la plupart des médias marocains s'étaient épuisés à présenter une litanie reprise en boucle, une tentative désespérée qui a consisté à faire croire à la “partialité" supposée du représentant de l'ONU. L'appel à dénoncer le “méchant" Ross avait été suivi, pour ainsi dire, à la lettre. Dans certains cas, il a même été embelli et imposé à l'opinion marocaine qui, au vu des derniers développements, compte vraiment pour du “beurre". Aussi, les médias marocains, qui adoptent actuellement un profil bas, ne peuvent se dédire du jour au lendemain et venir parler de “défaite". Il est tout de même étonnant de constater que ces mêmes médias, si prompts à défendre “la marocanité" du Sahara, se taisent à ce point. “Ils ont peut-être compris qu'il est inutile de faire croire que les thèses marocaines sur le Sahara occidental font toujours recette, alors que ce n'est pas le cas. De même qu'il ne suffit plus de claironner, matin et soir, ces thèses pour qu'elles deviennent un tantinet crédibles", tente de nous expliquer un spécialiste algérien des médias. Il faut croire, par ailleurs, que la source s'est également tarie. Sollicités sur le retour de Ross dans la région, des membres du cabinet royal et du gouvernement Benkirane se sont tous refusé à donner la moindre information et ont tous préféré garder le silence. Le mot d'ordre est d'éviter, semble-t-il, d'entretenir la polémique. Car même si aucun commentaire officiel n'est venu éclairer l'opinion marocaine sur ce revirement inexpliqué de la position officielle du Maroc, plusieurs voix se sont élevées pour affirmer que “le statut d'allié stratégique des USA" accordé au Maroc fait, en réalité, de ce pays “un assujetti" de l'Oncle Sam. Un constat inacceptable pour le Palais royal qui laisse courir le bruit que c'en est fini des efforts du diplomate américain, dont la mission arrive à terme en janvier 2013. Il semble que les Marocains, qui se sont souvent répandus en invoquant un soutien de l'ONU dont ils étaient pourtant à l'évidence désespérément privés, veulent aujourd'hui changer leur fusil d'épaule. Après avoir brandi un carton rouge à Ross, il reste peu probable qu'ils lui accordent, à l'occasion de cette nouvelle (et ultime ?) visite, carte blanche. MC L