C'est ainsi depuis des années : les promesses des pouvoirs publics à tous les niveaux de lutter contre la corruption se multiplient et les grosses affaires de corruption... en font de même ! Il y a même, paradoxalement, une sorte de corrélation entre la progression du fléau et l'engagement sans cesse répété d'y remédier. Plus qu'une anomalie, il y a là comme une bizarrerie. Loin d'avoir quelque effet dissuasif contre la tentation du gain facile, gros et rapide, ces discours, en raison de leur abondance et conjugués à l'absence d'action, sont entendus ou décodés comme le signe que rien ne change, que rien ne changera. Ainsi assuré d'une impunité perçue comme pérenne, le cercle de la prédation, fondé principalement sur un socle politique lui-même bâti sur le clientélisme, s'élargit autant que le permettent les ressources financières du pays et les grands projets, plus ou moins structurants pour l'économie nationale, qu'elles permettent de lancer. En l'absence de contre-pouvoirs réels, ces ressources sont vouées à partir en détournements, en surfacturation, en “commissions" ou en pots-de-vin, “légitimés" sous forme du concept pudique de “mesures d'accompagnement", ou par le biais de “réévaluations" justifiées au moyen de subterfuges bien rodés. Or, tout est mis à contribution, l'argent y compris, pour empêcher l'émergence de tels contre-pouvoirs ou pour en saper l'action ou en diaboliser l'image. Tout récemment, le projet de création d'une association de lutte contre la corruption, initié par des citoyens algériens sans antécédents judiciaires jusqu'à preuve du contraire, a été stoppé net par le ministère de l'Intérieur sans égard à la loi. Chez nous, la lutte contre la corruption n'est pas conçue comme une action de salubrité publique, régie par le droit, pour protéger l'économie et servir le développement. Sans une réelle indépendance de la justice, elle reste du ressort exclusif du pouvoir qui en fait une arme et qui s'en sert selon ses convenances du moment. Quel crédit peut-on accorder aujourd'hui à cette chasse aux signes extérieurs de la richesse par laquelle les pouvoirs publics comptent lutter contre la fraude fiscale qui ne prospère que par le biais de la corruption ? Comment y croire ? Il y a surtout cette crainte de voir cette future loi s'appliquer de manière sélective dans un esprit de règlements de comptes politiques, d'autant que 2013 s'annonce comme une année chargée de ces luttes féroces, faites de coups tordus, qui vont assurément s'engager dans la perspective de la présidentielle de 2014.