Le procès en appel de l'affaire Algérie Télécom s'est achevé dans la soirée de mardi dernier. La mise en délibéré est annoncée pour le 11 décembre prochain. Le magistrat en charge du dossier a commencé par entendre Mohamed Boukhari, l'ancien conseiller du P-DG d'Algérie Télécom, qui a reconnu avoir perçu de l'argent de la part de deux sociétés chinoises, ZTE Algérie et Huawei Algérie, dans le cadre d'un travail de consulting qui n'a rien à voir avec son poste (voir notre édition d'hier). Sa défense a affirmé que les contrats signés entre Algérie Télécom et les deux sociétés chinoises en question l'ont été après qu'il eut quitté sa fonction. “Effectivement, on lui reproche la mention de conseiller sur son passeport, mais c'est parce que ce document était encore en cours de validité quand il a quitté l'entreprise", explique l'un de ses avocats. Sa défense a également fait remarquer au juge que les faits reprochés à Boukhari se situent entre 2003 et 2005 et, donc, sont antérieurs à la promulgation de la loi sur le blanchiment d'argent en 2006, dans le cadre de laquelle il a été condamné en première instance. Au cœur de ce scandale, la filiale luxembourgeoise d'une banque française : Natixis Private Banking. C'est à travers cet établissement financier que les commissions — qui seraient en fait des rétro-commissions — ont été effectuées sur le compte personnel de Boukhari. Boukhari est introduit par une de ses connaissances auprès de Natixis Private Banking. Son dossier est pris en charge par Dominique Fermine, qui deviendra un peu plus tard son conseiller. Au fil des contrats conclus, surgit le problème de justifier le versement de sommes aussi importantes sur un compte privé. Les deux intermédiaires des sociétés chinoises proposent alors à Boukhari de créer deux sociétés offshore. Boukhari s'en remet à Fermine qui, à son tour, sollicite l'homme d'affaires Chani Madjdoub, président d'ADC Conseil, une fiduciaire basée au Luxembourg et spécialisée dans la gestion de patrimoine. Madjdoub prend attache avec un cabinet d'avocats londonien qui lui propose une liste de sociétés dont Doney Business Corp et Traco Business Limited. La justice reproche à Boukhari d'avoir reçu des pots-de-vin de l'ordre de 10 millions de dollars. L'argent des commissions a commencé à être versé sur les comptes de Doney Business Corp et Traco Business Limited dès 2004. Devant le juge, Madjdoub Chani dit n'être pas au courant de la finalité des deux sociétés offshore. Il s'en prend ensuite à Natixis Private Banking et implique directement Dominique Fermine qui, selon lui, “n'aurait jamais dû accepter d'ouvrir ce compte car, de par son statut, Boukhari était considéré comme ‘‘politiquement exposé". Selon Chani, cette banque n'a soumis Boukhari à aucun contrôle et n'a même pas cherché à savoir s'il activait dans le même secteur que les entreprises qui lui versaient de l'argent. Devant la loi, Chani est considéré comme le détenteur du pouvoir de décision. Il faut, toutefois, signaler qu'ADC Conseil a mis ces deux sociétés offshore à la seule disposition de Natixis Private Banking. Les avocats certifient que Fermine et sa banque n'ont à aucun moment évoqué avec Chani Madjdoub l'existence de Mohamed Boukhari. Boukhari lui-même a, devant le magistrat, soutenu n'avoir jamais rencontré Chani. Le procureur a requis, mardi en début de soirée, 20 ans de prison à l'encontre des deux accusés assortis d'une amende de 8 millions de dinars chacun. Quant aux deux sociétés chinoises, le parquet propose leur exclusion du marché public pour une durée de cinq ans et de leur infliger une amende de l'ordre de 3 millions de dinars. Madjdoub Chani et Mohamed Boukhari sont poursuivis pour corruption, trafic d'influence et blanchiment d'argent. N H